Prochain gouvernement : Pourquoi une formation comprenant Nida et Ennahdha est plus que probable ?

Nida aura besoin d’au moins 109 sièges pour gouverner. Avec son allié presque naturel, Afek, et vu les résultats modestes voire très mauvais de ses autres « partenaires » potentiels (Moubadara, UPT, Joumhouri, etc.), Nida n’aura pas la partie facile dans la formation de son gouvernement. Et même s’il y arrive, sa majorité sera très fragile avec 96 siéges pour Nida, Afek et El Moubadara. En outre, le Front Populaire avec 15 sièges,ne pourra pas, pour des raisons d’idéologies économiques et sociales évidentes, être un allié de Nida et encore moins de Afek.


En effet, s’il s’allie à Nida, le Front de Hamma Hammami bloquerait les lois sur les PPP, la société sur les actifs hôteliers, la réforme fiscale, les questions énergétiques, les subventions, etc. et ce en raison de ses positions de principe sur ces questions et qui sont aux antipodes des positions de Nida et Afek sur ces sujets.


De même, l’UPL ne pourrait pas s’allier avec Nida, vu que ce dernier a été la cible principale du parti de Slim Riahi lors de la dernière campagne électorale, à moins que ce ne soit juste pour des raisons électoralistes tactiques.


De ces faits, Béji Caid Essebsi, adepte d’une stabilité politique et pas très favorable au nouveau régime mixte et encore moins au régime parlementaire, trouverait son compte dans un gouvernement d’union nationale comprenant, outre Nida, Afek et El Moubadara, son adversaire numéro 1 Ennahdha.


Pragmatique, favori des prochaines élections présidentielles et président d’un parti plutôt libéral sur les questions économiques et sociales, et à défaut d’une majorité franche avec ses partenaires « naturels », Caid Essebsi trouverait dans Ennahdha un « partenaire » en phase avec les orientations économiques et sociales de son parti (PPP, fiscalité, Énergie, subventions, etc.) et capable de lui assurer une majorité confortable même si cela serait, néanmoins, au grand dam d’une grande partie de ses supporters. L’essentiel pour BCE est qu’Ennahdha ne toucherait pas au « modèle sociétal tunisien ».


D’un autre côté, cela serait plus qu'une consolation de taille pour Ennahdha, qui, forte de 69 sièges au parlement, pourrait hériter de quelques maroquins dans le prochain gouvernement et être ainsi au cœur du pouvoir. Cet exercice du pouvoir, même assez limité, pourrait lui être d’une grande utilité dans les prochaines échéances électorales nationales, régionales et locales. Les ténors du parti islamiste pourraient même y voir une « normalisation » définitive d’Ennahdha aux yeux de beaucoup de Tunisiens ainsi que de la communauté internationale.


Sachant que les priorités des Tunisiens sont actuellement économiques et sociales, et en adepte de la « Realpolitik », Béji Caid Essebsi ne serait pas contre un gouvernement d’union nationale avec Ennahdha, pourvu que son parti garde la main sur les leviers du pouvoir exécutif. D’ailleurs, il l’a indiqué, en filigrane, dans sa dernière interview sur Nessma juste avant les élections. De même, il faudrait rappeler ses propos récurrents au moment de la création de Nida Tounés quand il disait que son parti n’a pas été créé pour s’opposer (à la Troika à l’époque) mais pour « aider » à sortir le pays du « goulot d’étranglement » dont il se débattait. Un gouvernement d’union nationale avec Ennahdha neutraliserait le parti islamiste au parlement et pourrait, avec plus des 70% des voix à eux seuls dans la future assemblée, faire avancer plus rapidement les réformes économiques et sociales dont le pays a besoin.


Même si une telle hypothèse d’un gouvernement d’union nationale autour de Nida et Ennahdha ne plairait pas à une frange des dirigeants des deux partis,elle est désormais très probable et serait un mariage de raison entre les deux principales formations politiques du pays dont les contours et les conditions seraient à négocier. En outre,elle faciliterait l’accession de BCE à la magistrature suprême en coupant la route de Carthage à plus d’un candidat aux présidentielles, du fait d’au moins la neutralisation du parti de Ghannouchi sur ce sujet.


Naoufel Ben Rayana

Themes :

© Copyright Tustex