Tunisie : La Banque Centrale pourrait resserrer sa politique monétaire en fonction de l'évolution de l'inflation

Dans son dernier rapport sur l'évolution économique et monétaire, la Banque Centrale de Tunisie, a relevé les principales évolution de la conjoncture dans le pays, à commencer par la stabilité de ’inflation au mois de novembre 2018 au niveau 7,4% en glissement annuel (G.A) pour le troisième mois consécutif, la croissance du PIB au T3-2018 de 0,5% en variation trimestrielle (V.T) et de 2,6% en G.A, soit 2,6% sur les 9 premiers mois de 2018, mais aussi le creusement du déficit courant, à fin novembre 2018, à 10,7 milliards de dinars (10,1% du PIB), contre 9,2 milliards un an auparavant (9,6% du PIB). L'institut d'émission évoque également l'aggravation du déficit de liquidité, en novembre 2018, engendrant une hausse de l’intervention de la Banque centrale sur le marché monétaire. Malgré cela, le TMM a enregistré un léger apaisement par rapport au mois précédent pour s’établir à 7,25%.

L’activité économique a connu une progression modérée au 3ème trimestre. Le taux de croissance du PIB exprimé aux prix constants de l’année 2010 a été de +0,5% en variation trimestrielle (V.T) et de +2,6% en glissement annuel (G.A), soit les mêmes taux enregistrés pour le PIB exprimé aux prix de l’année précédente. Cette croissance du PIB a été tirée principalement par le rebond de l’activité dans les services marchands qui ont contribué à raison de +0,5 pp à la croissance globale. Pour le reste des secteurs, l’évolution positive de l’ensemble des industries manufacturières (+0,1pp) et des impôts nets de subventions (+0,2pp) a été contrebalancée par la contreperformance du secteur agricole (-0,2pp) et des industries non manufacturières (-0,1pp). Il est à noter que, sur les 9 premiers mois de l’année courante, le PIB a évolué de +2,6% et ce, comparativement à la même période de l’année précédente.

Du côté des services marchands, la valeur ajoutée (V.A) s’est accrue de +1,1% au 3ème trimestre 2018, contribuant à raison de +0,5 pp à la croissance globale. Cet accroissement porte la marque d’un rebond de l’activité touristique et du transport, et d’une reprise relative de l’activité commerciale. En effet, la contribution à la croissance globale a été de l’ordre +0,3pp pour les branches «hôtellerie et restauration» (+3,1% en V.T soit une contribution de +0,1 pp) et «transports» (+2,8% en V.T soit une contribution de +0,2 pp). En ce qui concerne le commerce, la VA a évolué de +2,4%, contribuant ainsi à raison de +0,2pp à la croissance. Notons, par ailleurs, que la contribution a été positive pour les services financiers (+0,1 pp), négative pour la branche «télécommunication» (-0,1 pp) et nulle pour les branches «entretien» et «autres services marchands».

Concernant les industries manufacturières, leur VA a augmenté de +0,7% par rapport au trimestre précédent, contribuant ainsi à hauteur de +0,1 pp à la croissance globale. La branche qui a soutenu le plus la croissance de ce secteur est celle des «industries mécaniques et électriques (IME)» dont la valeur ajoutée a augmenté de 3,7% en V.T, contribuant à hauteur de +0,2pp à la croissance. Les valeurs ajoutées des branches des «matériaux de construction, céramiques et verre (MCCV)», des « industries manufacturières diverses (IMD)» et des «industries agroalimentaires (IAA)» ont connu des hausses de l’ordre de 6,9%, 4,0% et 3,4% respectivement et ce, en variation trimestrielle, contribuant chacune à raison de +0,1pp à la croissance. Ces évolutions ont, toutefois, été partiellement compensées par l’affaiblissement des VA des «industries chimiques (IC)» (-18,7% en V.T. soit une contribution de -0,3 pp) et des industries du «textile, habillement et cuir (THC)» (-2,7% en V.T. soit -0,1 pp).

Quant à la VA dans les industries non manufacturières, elle s’est repliée de 1,2% au 3ème trimestre, contribuant à raison de -0,1 pp à la croissance globale. La VA de la branche du « Bâtiment et Génie Civil (BGC)» a baissé de 1,7% en V.T (-0,1pp). Avec des contributions nulles, les secteurs des « mines » et de l’ensemble de l’énergie ont vu leurs valeurs ajoutées baisser de l’ordre de -0,2% et -0,8% respectivement au cours du 3ème trimestre de 2018.

Pour sa part, la VA dans le secteur de « l’agriculture et de la pêche » a baissé de 1,8% en variation trimestrielle (soit une contribution négative de -0,2pp) et ce, après avoir enregistré -0,8% au 2ème trimestre et +11,7% au 1er trimestre de l’année courante. Comparativement à la même période de l’année précédente, la VA aurait augmenté de 8,3%.

Pour le troisième mois consécutif, le taux d’inflation s’est stabilisé à 7,4% en G.A en novembre 2018. Néanmoins, cette stabilité cache des évolutions disparates des différentes composantes de l’IPC. En effet, alors que les prix des produits alimentaires ont connu une nette décélération, ceux des produits manufacturés et des services se sont accrus à un rythme légèrement plus soutenu.

Par régime de fixation des prix, l’évolution a été aussi mitigée puisque l’accélération des prix administrés (+4,9% en G.A contre +4,8%) a été neutralisée par le ralentissement des prix libres (+8,1% en G.A contre +8,2%). En variation mensuelle, l’IPC des produits administrés a progressé au même rythme que le mois précédent, soit 0,1% tandis que l’IPC des produits libres a décéléré (+0,8% contre +1,4%).

Après avoir enregistré une progression notable de 1,1% en octobre 2018, en variation mensuelle, l’indice des prix à la consommation a connu un accroissement plus modéré de 0,7% en novembre. Cette évolution résulte :

- d’une part, du ralentissement des prix des produits manufacturés (+0,7% contre +1,8%) et plus particulièrement ceux de l’habillement & chaussures (+0,7% contre +4,9%) et des matériaux de construction et d’entretien de logement (+0,7% contre +1,7%) qui s’est conjugué à celui des prix des produits alimentaires (+1,2% contre +1,5% en octobre) notamment frais (+1,8 contre +2,3%) ;

 - et d’autre part, du léger affermissement des prix des services qui ont progressé de 0,2% d’un mois à l’autre, contre 0,1% en octobre, en relation notamment avec l’accroissement des prix des services de santé (+0,3% contre +0,1%) et du loyer (+0,2% contre +0,0%).

En moyenne, sur les onze premiers mois de l’année, le taux d’inflation s’est établi à 7,4% contre 5,2% au cours de la même période de 2017, soit une importante hausse de plus de 2 points de pourcentage. Cette évolution porte la marque de la forte progression de l’inflation des produits manufacturés (+9,3% contre +5,8%), et à un moindre degré, par celles des prix des produits alimentaires (+7,7% contre +5,3%) notamment frais, et des services (+5,2% contre +4,5%).

L’inflation des produits manufacturés s’est établie à 9,8% en G.A, en novembre contre +9,7% en octobre. Cette hausse a été portée, essentiellement, par celle de l’inflation de l’habillement & chaussures (+8,3% en G.A contre +8,1%) et de l’inflation des produits d’entretien (+10,4% en G.A contre +10,1%).

 L’inflation des produits alimentaires a connu une nette décélération, en novembre (+6,0% en G.A contre +6,3%) favorisée par l’apaisement du rythme de progression de l’inflation des produits alimentaires transformés (+5,9% en G.A contre +6,4%) et de l’inflation des produits alimentaires frais (+6,0% contre +6,2%) qui s’est ressentie notamment de la détente de l’inflation des prix des volailles (+7,5% contre +25,9%).

Par ailleurs, l’inflation des services a poursuivi en novembre 2018 sa progression à un rythme légèrement plus soutenu que celui du mois précédent (+6,0% en G.A contre +5,9%). Cet accroissement est essentiellement imputable à l’augmentation des tarifs publics (+4,9% contre +4,7%).

En termes de contributions à l’inflation globale, l’analyse par secteur d’activité montre que la contribution des produits manufacturés à l’inflation demeure la plus importante avec 3,6 points de pourcentage en novembre 2018 contre 3,5 points un mois auparavant alors qu’elle n’était que de 2,3 points de pourcentage en novembre 2017. En revanche, la contribution des produits alimentaires à l’inflation globale a baissé, revenant de 1,9 point de pourcentage en octobre 2018 à 1,8 point de pourcentage en novembre 2018. Quant à l’inflation des services, elle a maintenu la même contribution à l’inflation globale, soit 2,0 points de pourcentage.

Par régime de fixation des prix, les contributions à l’inflation globale des produits à prix administrés et à prix libres se sont stabilisées aux mêmes niveaux du mois précédent, soit respectivement 1,1% et 6,3%.

Les deux principales mesures de l’inflation sousjacente ont poursuivi leur trend haussier. En effet, sur un an, l’inflation « hors produits à prix administrés et alimentaires frais » s’est stabilisée à son niveau du mois précédent, soit 8,7%. Quant à l’inflation « hors produits alimentaires et énergie », elle s’est affermie, pour s’établir à 7,9% en G.A contre 7,8% un mois auparavant.

La persistance de l’inflation sous-jacente à des niveaux élevés constitue une source d’inquiétude pour la Banque centrale dont le mandat est d’assurer la stabilité des prix. Celle-ci reste vigilante quant à l’évolution future de l’inflation et n’hésiterait pas à resserrer sa politique monétaire afin de ramener le taux d’inflation vers son niveau désiré, agissant ainsi sur les anticipations inflationnistes.

Sur un autre volet, les prix à l’importation ont connu une légère détente, en octobre 2018, pour s’établir à 19,8% en G.A contre 20,8% enregistré un mois auparavant, suite notamment à la décélération du rythme de progression des prix de « l’énergie et lubrifiants » (+26,0% contre +35,1% en septembre) et ceux des prix des « textiles, habillements et cuirs » (+16,5% contre +19,3%). Quant aux prix dans les secteurs « des industries mécaniques et électriques » et ceux dans « l’agriculture et les industries agroalimentaires », ils ont connu sur un an, une relative accélération, pour s’établir à 19,3% et 15,5% respectivement contre 17,5% et 11,7% un mois auparavant.

L’indice des prix de vente industrielle (IPVI) a progressé, en glissement annuel, de 9,0% en septembre 2018 contre 8,5% en août 2018. Cette évolution a été tirée principalement par la forte reprise des prix dans le secteur des industries minières (+10,6% en G.A contre -4,5%) et celle dans le secteur des industries énergétiques (+3,3% contre +2,3% en août).

L’orientation haussière de l’IPVI relevée depuis quelques mois indique des pressions futures probables sur les prix à la consommation.

 Hors mines et industries chimiques, les prix de vente industrielle se sont affermis en septembre 2018 (+ 6,5% contre 6,4% en août).

Au cours des onze premiers mois de 2018, le déficit de la balance commerciale a atteint 17,3 milliards de dinars, contre 14,4 milliards à fin novembre 2017. La détérioration du déficit, par rapport à l’année précédente, porte la marque de la hausse notable, en novembre 2018, des importations, de 9,2 milliards de dinars pour s’établir à 54,5 milliards de dinars au terme des onze premiers mois 2018, contre une augmentation de 6,2 milliards des recettes d’exportation portant leur niveau à 37,1 milliards de dinars au cours de la même période.

Au niveau des exportations de biens, la hausse des recettes de 19,9%, contre 17,3% à fin novembre 2017, traduit essentiellement l’effet de la hausse des prix à l’export (15,6% après 12,8% à fin novembre 2017). En termes réels, les exportations totales ont progressé de 3,9% après 3,8% un an auparavant, tirées principalement par les produits agricoles. Hors alimentation et énergie, le rythme de progression des exportations à prix constants s’est inscrit en ralentissement pour s’établir à 0,2% contre 3,1% durant les onze premiers mois de 2017.

Quant aux importations, l’envolée des prix internationaux des matières premières et de l’énergie, conjuguée à la dépréciation du dinar ont contribué significativement à la hausse de la facture des importations. En termes réels, et mis à part le secteur de l’énergie2 , les importations des différents secteurs d’activité ont accusé des baisses quoiqu’à des degrés différents, par rapport aux réalisations de l’année précédente. Le total des importations hors alimentation et énergie s’est replié de l’ordre de 0,8% contre une hausse de 1,7% un an auparavant.

Au niveau de la balance des services, le flux mensuel des recettes touristiques (exprimées en euros) s’est ralenti en novembre 2018 pour s’établir à 70 millions d’euros contre 73 millions une année auparavant. Ce léger repli a affecté la performance du secteur sur les onze premiers mois de 2018, qui aurait pu être bien meilleure, puisque les recettes touristiques ont totalisé seulement 1.191 millions d’euros, contre 973 millions une année auparavant.

Pour leur part, les revenus du travail (en espèces), exprimés en euros, ont enregistré une baisse de 3,1% à fin novembre 2018, pour se situer à 1.169 millions d’euros, contre 1.207 millions il y a un an.

Ces évolutions se sont traduites par une nette détérioration du déficit des opérations courantes. Ce dernier a enregistré, au terme des onze premiers mois de 2018 un record historique de 10,7 milliards de dinars, soit 10,1% du PIB contre 9,2 milliards et 9,6% respectivement une année auparavant et ce, en dépit d’une amélioration tangible du solde de la balance des services (1.739 MDT contre 722 MDT à fin novembre 2017).

L’accentuation du déséquilibre des paiements extérieurs a engendré une poursuite de l’érosion des réserves de change, qui se sont établies, au 12 décembre 2018, à 4,5 milliards de dollars, soit l’équivalent de 80 jours d’importations, contre 4,4 milliards de dinars en octobre dernier (80 jours d’importations).

La persistance des tensions sur les réserves de change s’est traduite par une accentuation du rythme de dépréciation du dinar vis-à-vis des principales devises. Le dinar a perdu en moyenne, sur les onze premiers mois, 12,9% de sa valeur face à l’euro et 7,8% face au dollar américain.

Le rythme d’accroissement de la masse monétaire au sens de M3 a poursuivi sa décélération en octobre 2018 pour s’établir à 8,6% en G.A. contre une progression de 9,2% en septembre. Cette évolution est due principalement à la décélération du rythme d’évolution des créances nettes sur l’Etat (+15% en G.A contre +18,5% en septembre 2018).

Du côté des ressources monétaires, une nette décélération a été enregistrée au cours du mois d’octobre 2018, tirée essentiellement par la baisse importante des dépôts à vue des banques et à un moindre degré, des billets et monnaie en circulation.

En revanche, les comptes d’épargne-logement et les comptes spéciaux d’épargne poursuivent leur trend baissier (en G.A).

Concernant les crédits à l’économie, la décélération entamée depuis le 1er trimestre de l’année 2018 (en G.A) s’est poursuivie en octobre. Cette évolution est attribuable essentiellement au ralentissement des crédits aux particuliers (+6% en octobre contre +6,6% en septembre) qui a concerné aussi bien les crédits logement que les crédits à la consommation.

Les crédits octroyés aux professionnels, quant à eux, ont évolué au même rythme du mois de septembre (+13,5% en G.A), portant la marque d’une légère progression des crédits accordés au secteur industriel.

Les besoins des banques en liquidité se sont accrus, en novembre 2018, pour atteindre 16,4 milliards de dinars, après 16,1 milliards le mois précédent. La hausse des besoins des banques en liquidité porte la marque, notamment, des opérations d’achats nets de devises (583 MDT) auprès de la Banque centrale. Le volume des interventions de la BCT sur le marché monétaire s’est élevé à 11,6 milliards de dinars, dont 7 milliards sous forme d’appels d’offres (principales opérations de refinancement), 2,6 milliards de swaps de change à des fins de politique monétaire et 1,7 milliard de dinars d’achats fermes de bons du Trésor. Le déficit de liquidité, qui s’est élevé à 4.778 MDT, a été financé par des opérations de facilité de prêt à 24H

Pour leurs parts, le taux moyen pondéré (TMP) des opérations principales de refinancement (OPR) et le TMM se sont établis, à 7,05% et 7,25% en moyenne, respectivement, en novembre 2018, après 7,06% et 7,27% un mois auparavant.

 

 

 

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