La Bourse de Tunis en 2016 : Quand le rendement n'est pas synonyme d'un bon cru

Faibles volumes dans un marché déserté, c’est l’un des commentaires que nous avons le plus lus sur les séances boursières au cours de l’année 2016. Le marché boursier a connu une atonie sans précédent avec un très grand nombre de séances à moins de Trois Millions de Dinars. La faiblesse des volumes a été la principale caractéristique de l’année réduisant le taux de rotation des titres à l’un des plus faibles depuis une bonne vingtaine d’années (8,5% contre 11,2% en 2015 et plus de 20% en 2010). En dépit de plusieurs transactions de blocs (avec notamment une présence prononcée à la vente des étrangers sur le marché des blocs 30% du total), le ressenti chez les opérateurs est une très nette diminution de la liquidité du marché et un très grand élargissement des « spread » sur les fourchettes de cotation. Cette situation n’est que la traduction de la désaffection de plus en plus prononcée des petits épargnants dont le nombre ne cesse de diminuer d’année en année. Avec un nombre de sociétés cotées qui s’est nettement raffermie au cours des dernières années, la stagnation  du nombre de contrats négociés illustre bien la nette dégradation de l’atomicité du marché.  Sur certains titres, la baisse du nombre de contrats négociés est très frappante (-30% SFBT, -53% BNA….) et nous avons enregistré de nouveaux records sur des titres comme l’UBCI avec moins d’un contrat/jour (165 sur toute l’année).

Avec la multiplication de leurs déboires boursiers, une crise de confiance s’est installée durablement chez la communauté des investisseurs qui ne se manifestent plus que sporadiquement à l’occasion de certains mouvements spéculatifs. La physionomie des échanges comporte toujours environ 60% d’investisseurs locaux individuels mais il est quasi certain qu’une plus grande concentration a été enregistrée dans cette catégorie avec de plus en plus de gros investisseurs (« high net worth individuals ») et beaucoup moins de petits épargnants. La magie du titre SFBT ayant cessé d’opérer, les étrangers ont aussi brillé par leur absence avec une diminution de 70% de leurs achats sur la Cote (7% du total en 2016 contre 23% en 2015) mais se sont fait notamment remarquer du côté des ventes avec une nette augmentation de leurs désinvestissements de 60% avec un nouveau record à 262 Millions de DT. La dégradation de l’environnement économique et la nette dépréciation du DT Vs $ expliquent pour beaucoup cette situation. Côté rendement, la performance du marché de 8,8% paraît presque anecdotique car réalisée essentiellement au cours du 1er mois de l’année et très concentrée sur une poignée de grosses capitalisations essentiellement bancaires. Exprimé en $, le rendement du marché s’établit en territoire négatif à -5,79%.

 C’est au niveau du marché primaire que la fragilité du marché financier s’est faite le plus ressentir avec de plus en plus de placements privés (qui sont plus des opérations de gré à gré) et surtout les grosses difficultés à clôturer des opérations de levées de capitaux par appel spontané au marché. Le premier échec déclaré d’une Offre Publique de Vente (Sanimed) qui a nécessité son report de trois semaines confirme cet essoufflement du marché. Enfin, et à contre courant de tous les marchés du monde, les taux d’émission des BTA ont connu une envolée sans précédent avec près de 100 points de base de hausse, et ce en dépit d’une frénétique participation des banques aux adjudications du Trésor pour soigner leur ratio de liquidité sous sa nouvelle structure. En conclusion, au terme de ce mauvais cru 2016, la propagation à tous les compartiments du marché boursier de la crise économique et ses corollaires (baisse sensible de l’épargne nationale, détérioration des fondamentaux des sociétés, difficultés budgétaires….) ne s’est-t-elle pas tout simplement accélérée ? Le volume de la séance inaugurale de l’année 2017 (1 Millions de DT) ne semble en tous cas pas inciter à l’optimisme.

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