Inflation élevée et faible croissance...Marouane El Abassi craint une stagflation en 2023 (Télécharger la présentation)

Le Gouverneur de la Banque Centrale, Marouane El Abassi, entouré des membres du conseil d'administration, de la vice-gouverneur et des directeurs généraux en charge de la politique monétaire, s'est exprimé lors d'une conférence de presse organisée mercredi 4 janvier 2023, sur la situation économique dans le pays, les dernières mesures de la BCT et les orientations stratégiques pour les trois années à venir. La rencontre vient quelques jours après le relèvement par la Banque Centrale de son taux d'intérêt, pour la troisième fois en 2022, en réponse à la poussée de l'inflation, à 9,8% en novembre. El Abassi n'exclut pas une inflation à deux chiffres en 2023 dans un cadre international très compliqué. L’institut d’émission l’estime à 11% au terme de l’année 2023.
 
Au centre de l'intervention du gouverneur sur la conjoncture économique, les taux d'épargne et surtout d'investissement, qui baissent de façon significative depuis plusieurs années, loin des 22 à 25% du début des années 2000 : un déclin qui a commencé en 2003, a-t-il rappelé, avec un rebond qui a tourné court en 2007-2008. La croissance restera faible en Tunisie, prédit El Abassi, et le pays n'est pas loin d'une situation de stagflation selon le terme choisi par le gouverneur. Marouane El Abassi a rappelé que la Tunisie a historiquement connu des périodes de forte inflation, notamment au début des années 90 à près de 14%, mais avec une croissance relativement robuste, un taux d'investissement élevé et une conjoncture internationale favorable. Toujours est-il que la mission principale de la BCT est de défendre la stabilité des prix et doit utiliser tous les outils à sa disposition pour atteindre son objectif à l'heure où le macroprudentiel de ne suffit plus.
 
Au delà des difficultés propres à cette période, la tendance sur les 11 dernières années était déjà faible, a rappelé le patron de la BCT. La Tunisie n'a même pas réussi le sursaut de croissance observé dans pllusieurs pays après la débâcle économique du COVID-19. A bien des égards, le pays paie le prix de la non-action selon Marouane El Abassi, en l'absence d'investissement et avec une capacité de production limitée et une offre exportable très faible. Le secteur du phosphate ne s'est pas relevé de son effondrement en 2010. La Tunisie produit actuellement moins de 3,6 millions de tonnes, contre 8 millions de tonnes auparavant, alors que le marché est demandeur et les prix internationaux sont élevés. A cela s'ajoute la situation du secteur des hydrocarbures, privé d'investissements pendant des années, de l'agriculture qui pèse 8% du PIB et souffre de plusieurs années de faible pluviométrie, et du tourisme qui n'arrive pas à retrouver le niveau de 2019 malgré l’embellie certaine de 2022.
 
Le contexte économique est difficile partout a fait remarquer El Abassi, mais bien plus dans les pays comme la Tunisie, en maque de financement extérieur. La note souveraine est un handicap majeur et l'accord avec le FMI, sur la base duquel a été élaboré le Budget 2022, n'a toujours pas été conclu. De même, le déclenchement de la guerre en Ukraine a bouleversé tous les indicateurs et les discussions ont changé de nature, a affirmé El Abassi. La Tunisie a réussi, un tant soit peu ; à faire preuve de résilience, avec à la fin de l'année dernière, des déficits budgétaire et courant moins élevés que prévu. 2023 sera très difficile si la Tunisie ne parvient pas à boucler l'accord avec le FMI, a ajouté El Abassi. Le report de l'examen du dossier tunisien n'a aucun lien avec les considérations politiques, a insisté le gouverneur : il est surtout lié à la réalisation des conditions préalables requises pour le programme, à commencer par la loi de finances, la révision de la loi 89-9 relative aux participations et entreprises publiques, etc.
 
Marouane El Abassi a vanté les mérites de la politique monétaire de la Banque Centrale tout au long des dernières années. Elle aura permis de stabiliser le dinar et de préserver les réserves de devises, mais la flambée du dollar par rapport à toutes les autres devises a changé la donne en 2022. Interpelé sur les vertus d'une hausse du taux directeur dans un contexte de faible investissement et avec une inflation en grande partie importée, le gouverneur a répondu que la BCT est dans l'obligation de réagir face aux pressions inflationnistes qui s'intensifient avec les outils dont elle dispose d'autant plus que l'inflation risque de devenir d'origine monétaire à court terme, et sera encore moins soutenable pour les citoyens. Parallèlement, il faudra soutenir les conditions propices à l'investissement, stabiliser le pays, et travailler directement sur les IDE pour retrouver la croissance.
 
En 2023, selon le scénario privilégié par la Banque Centrale, l'inflation moyenne atteindra 11%, avant de se retracter en 2024 à 8,9% puis en 2025 à 7%. Sous l’effet de la poursuite des répercussions de la crise sanitaire et du conflit Russo-Ukrainien, notamment la hausse des prix internationaux des produits énergétiques et céréaliers, le déficit courant de la Tunisie pourrait s’établir à 8% du PIB en 2023, des prévisions basées sur les hypothèses d'un ralentissement de la croissance économiquedans la Zone Euro : +0,5% en 2023 (contre 3,1 %), d'une légère baisse des prix des produits alimentaires (Céréales : -4,7% par rapport à 2022) et des matières premières (-4,5%), de la reprise de l'activité touristique, et d'un prix moyen du Brent à 95,33 $/Baril contre 102,13$/Baril estimé en 2022 , soit une baisse de -6,7%. Pour ce qui est du secteur extérieur, le service de la dette extérieure à MLT, prévu pour 2023, s’élèverait à 11,2 Mrds TND, contre 8,9 MrdsTND en 2022. L’Etat est tenu de rembourser près de 8,3 Mrds TND, dont 22,4 Mrds JPY (Août 2023) au titre d’un emprunt obligataire garanti par la JBIC 2013 et 500 MEUR (Octobre 2023) au titre de l’émission EUR 2018. Le ratio du service de la dette s’établirait à 11,9% des recettes courantes.
 
Marouane El Abassi a profité de la réunion pour apporter un aperçu des orientations futures de la Banque Centrale, dont le code des changes, qui n'est pas l'apanage de la BCT, a assuré le gouverneur. La Banque Centrale a présenté un draft technique, contenant ses propositions à l'attention du gouvernement. 
 
 
 
 
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