A la lecture des indicateurs boursiers pour les huit premiers mois de l’année 2004, nous percevons à priori une amélioration d’indicateurs tels que le volume de transactions et le rendement de

A la lecture des indicateurs boursiers pour les huit premiers mois de l’année 2004, nous percevons à priori une amélioration d’indicateurs tels que le volume de transactions et le rendement de l’indice TUNINDEX. Toutefois, en replaçant les choses dans leur contexte, notre appréciation de ces performances devient fortement nuancée. En effet, rappelons que l’année 2003 (surtout sa première moitié) a été une année difficile qui succédait à une autre année carrément morose (avec le plus faible taux de croissance économique sur les 15 dernières années). En deux ans, les volumes de transactions ont baissé de moitié pour l’ensemble des valeurs admises à la cote officielle.

Avec l’amélioration de la conjoncture économique initiée au deuxième semestre 2003 et qui s’est poursuivie en 2004, la Bourse aurait dû connaître une reprise plus forte. Or avec un rendement depuis le début de l’année jusqu’au 30 août de 5,9% et un volume quotidien moyen de 1,3MDT, les performances nous paraissent encore décevantes. Quelle est la raison du décalage entre la reprise économique et la reprise boursière ?

1/ D’abord, la première explication est à chercher au niveau de la composition sectorielle de la Bourse de Tunis. Avec plus de 50% de la capitalisation concentrée essentiellement sur des banques et des sociétés de leasing, la Bourse continue à être handicapée par le secteur financier qui a été durement touché par la récession économique 2002-2003 avec, comme conséquence, l’augmentation des impayés et donc l’accroissement des provisions. Les résultats des établissements financiers s’en sont ressentis et la visibilité sur les résultats futurs reste encore faible pour espérer un afflux des investisseurs vers ces titres.

2/ Ensuite, en dépit des initiatives prises pour développer l’épargne longue, les résultats restent très insuffisants. Le CEA, dans sa nouvelle version, attire plus d’épargnants qu’auparavant sans toutefois atteindre les objectifs espérés (selon certaines estimations, 1000 nouveaux comptes sont prévus pour 2004). Les OPCVM investissant en actions sont toujours en veilleuse et le nouveau projet de SICAV ciblant des investisseurs institutionnels domestiques (en association avec la PROPARCO ) n’a toujours pas vu le jour. Quant à l’assurance vie, malgré beaucoup les incitations et la bonne volonté, la collecte d’épargne vie reste toujours en deçà des niveaux souhaités. Bref, au mieux, faut-il espérer que les initiatives prises produisent des effets à long terme.        

3/ La Bourse manque encore de dynamisme et plus particulièrement au niveau de l’enrichissement de la Cote. Le nombre de titres cotés n’a pas évolué depuis Décembre 2002 date de la dernière introduction de SOMOCER. Le manque d’intérêt  des entrepreneurs privés pour la Bourse ne s’est toujours pas dissipé car outre l’arbitrage classique des hommes d’affaires tunisiens pour le financement bancaire, l’échec de plusieurs introductions de sociétés privées a dû refroidir les ambitions des plus téméraires des candidats à la Bourse. Devant cet état de fait, la solution aurait pu venir des grandes entreprises du secteur public mais là encore rien n’a été fait. L’exemple le plus fréquemment cité est celui de Tunisie Telecom qui est le candidat idéal pour dynamiser le marché mais dont l’introduction en Bourse est régulièrement annoncée pour une échéance proche avant d’être renvoyé quelques temps après aux calendes grecs.

4/ L’amélioration de la transparence est notable grâce surtout aux louables efforts déployés par le régulateur du marché, les analystes financiers et les sociétés elles-mêmes. Bien qu’en net progrès, ce niveau de transparence reste néanmoins insuffisant. Les comptes des banques en sont le meilleur reflet de cette insuffisance avec encore des écarts importants entre les états financiers provisoires et les états financiers définitifs (problématique des provisions), avec des avis de certains commissaires aux comptes qui continuent à ne pas porter à la connaissance du public le montant de l’insuffisance de provisions, et surtout la pratique du prélèvement  des réserves pour la couverture des provisions manquantes. Par ailleurs, il faut noter le manque de communication spontanée de la part des sociétés sur des événements importants (retard dans le démarrage d’un projet, lancement de nouvelles activités, renchérissement des coûts des matières premières, litige …) qui ne permet pas de tenir les investisseurs régulièrement informés sur les performances de la société et accroît ainsi leur méfiance vis à vis de la Bourse.

5/ La communauté boursière a fondé beaucoup d’espoirs sur les textes réglementaires édictés par la BCT en 2002 visant à encourager le financement direct des entreprises tunisiennes lourdement endettées. Or, manifestement, ces textes ont eu peu d’effets. Pour les entreprises ayant plus de 25MDT d’engagements auprès du système financier, seul un nombre très réduit s’est soumis à la notation ou, alternativement, à l’introduction en Bourse. D’un autre côté, certaines banques ont même fait fi des règles prudentielles en dépassant le seuil des 25% de fonds propres d’exposition à un groupe. Ces exemples montrent clairement que la volonté d’éviter l’éviction des financements directs par les financements bancaires n’a pas eu les résultats espérés faute d’application plus stricte des règles édictées.

 

 

 

En définitive, le marché actions en Tunisie reste étroit, peu profond et faiblement actif. Les progrès enregistrés sur plusieurs plans (transparence, réglementation, infrastructure,…) sont toutefois neutralisées par des considérations inhérentes à l’environnement économique. Ceci engendre un environnement peu propice au décollage de la Bourse. Dans ces conditions, il est très probable d’observer encore pour quelques temps une forte déconnexion entre la sphère économique et la sphère boursière. Alors pour tous ceux qui ont parié sur la reprise économique comme catalyseur d’une forte reprise des cours, il faudra encore patienter ou attendre le prochain cycle.

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