Faut-il se réjouir des bénéfices record des banques en 2016 ?

C’est la saison des records chez les banques avec des résultats les plus élevés jamais enregistrés depuis leurs créations respectives. La BIAT a ainsi réalisé un bénéfice record à 192 MD, suivie par Attijari Bank à 104 MD ou encore 91 MD pour l’AMEN BANK. Dans un contexte de crise économique, ces performances ont de quoi surprendre d’autant plus qu’elles ont toutes eu à payer l’impôt exceptionnel. Les banques, dans leur quasi majorité, ont affiché des PNB en nette hausse dopés essentiellement par les revenus du portefeuille d’investissement et les commissions nettes. 

Avec le resserrement du crédit observé depuis 2011, les banques ont opté de plus en plus pour l’investissement de leurs ressources, non allouées à des crédits, dans des Bons de Trésor à long terme dont les taux se sont envolés sensiblement les deux dernières années. Les banques y gagnent triplement : les taux de rendement (de l’ordre de 7,8% sur les maturités à 10 ans et plus) sont très alléchants, ces investissements donnent droit systématiquement au refinancement de l’institut d’émission à des taux non moins alléchants (à 4 % environ) et enfin ce papier d’Etat ne comporte aucun risque de défaut (donc de provisions sur le principal). Pour notre échantillon des banques cotées, la taille du portefeuille en BTA est passée de 9,5 Milliards de Dinars en 2015 à 11,6 MD en 2016, soit une hausse de près de 20%, dépassant ainsi le niveau moyen quotidien de refinancement qui ressort à 9 Milliards de DT . En termes de revenus et compte tenu de la hausse spectaculaire des taux des BTA, les revenus du portefeuille d’investissement ont bondi de 30%. Depuis 2013, les revenus des portefeuilles d’investissement ont même progressé de 80%. Les gains de change ont également eu une contribution importante dans cette rubrique aidée en cela par les turbulences économiques qui se sont traduites par une grande volatilité sur le marché de change.  Cette volatilité est un  facteur favorable pour les grandes banques pour dégager  des gains nets substantiels  de change comme le montrent les indicateurs de banques comme la BIAT (56 MD soit 9,5% du PNB) ou ATTIJARI BANK (32 MD soit 10,2% du PNB).

Une autre progression spectaculaire au niveau des banques est à chercher au niveau des commissions avec une hausse de près de 50% entre 2013 et 2016. Toutes les banques ont révisé leurs politiques de commissions et donc appliqué de nouvelles politiques tarifaires relativement onéreuses pour les clients ce qui a eu pour effet de booster les commissions nettes perçues. Cette politique a été facilitée par un contexte de tensions de trésorerie pour les PME et de raréfaction des ressources pour la clientèle particulière qui sont des clients en général peu regardants sur les augmentations tarifaires.  A la faveur de tous ces facteurs, le PNB global des banques a augmenté de près de 12% entre 2015 et 2016.

Cette hausse des PNB aurait pu être contrebalancée par une hausse des charges  d’exploitation et des provisions. Si les charges d’exploitation notamment du fait des hausses salariales ont augmenté, il n’en est rien pour les provisions. Pourtant, Il est généralement admis que dans un tel contexte économique, les défauts de paiement s’envolent et occasionnent chez les banques  des dotations aux provisions très importantes.  Est-ce la conséquence de l’accumulation des dotations déjà élevées au cours des 10 dernières années ou de circulaires spécifiques qui ont permis de suspendre certaines créances comme celles du secteur touristiques ou, par le jeu des garanties de l’Etat, les créances sur les entreprises publiques ? En dépit des réserves structurelles sur la mécanique de provisionnement des banques (ex : les moins-values sur le portefeuille obligataire n’ont toujours pas fait l’objet de provisions), ces dernières n’ont jamais affiché une telle rentabilité et se sont même permises des distributions de dividendes record.

Cette santé insolente ne doit pas occulter les faiblesses structurelles de nos banques souffrant d’un déficit structurel des ressources qui est comblé par les interventions gigantesques de la BCT pour assurer le refinancement.  Leurs capitalisations encore étriquées au regard des normes internationales (Bâle 2, IFRS.), la dilution progressive de leurs poids dans le financement de l’économie au profit du financement du budget de l’Etat, les questions récurrentes de mauvaise  gouvernance et son corollaire d’un club fermé d’administrateurs indétrônables, et enfin leur absence totale sur la scène maghrébine ou africaine, font que nos  banques restent plus que jamais vulnérables, fragiles et peu attractives. Leurs valorisations en Bourse très décotées par rapport à la moyenne du marché en sont la meilleure illustration.

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