La Bourse tunisienne version 2013 : Quand la montagne accouche d'une souris. (Par : Eymen Errais)

Alors qu'on sortait d'une année 2012 difficile, rythmée par les querelles politiques et les frasques économiques, plusieurs points de vues se distinguaient quant à la tenue du marché pour l'année 2013. Les optimistes annonçaient une année faste alimentée par plusieurs introductions en bourse, lesquelles introductions ajouteraient de la profondeur au marché . Les pessimistes voyaient par contre que la situation politico-économique était trop incertaine pour pouvoir avoir une année boursière fructueuse. Toutefois les deux groupes s'accordaient sur le principe qu'un agenda politique clair avec la finalisation de la constitution d'une part et un calendrier précis des élections législatives et présidentielles d'autre part étaient les prémices d'un nouveau rebond de la bourse. On a donc tout analysé, tout prévu sauf ... l'assassinat politique.


L'année 2013 commençait sur une note positive quand soudain il y a eu l'assassinat du feu Monsieur Chokri Belaid le 6 Février pour plonger le pays dans sa plus grave crise politico-économique. Les agences de notation n'ont pas manqué l'occasion pour abaisser la notation tunisienne à trois reprises, dont deux suite aux assassinats politiques. Une chance que la banque centrale tunisienne ait trouvé la solution à ce problème en demandant à Standard & Poor's de tout simplement ... ne plus noter la Tunisie. Donc si l'année 2011 était l'année de la révolution, l'année 2012 celle du marasme politico-économique, l'année 2013 est l'année de l'insécurité par excellence.


D'un point de vue climat économique, mise à part l'aspect politique, on se trouvait dès lors dans un cadre complètement différent. Le risque, tel que perçu par les investisseurs, s'est sensiblement élevé, et partant ces derniers demandaient un rendement en adéquation avec cette augmentation du risque. Le problème est que les nouvelles introductions, du fait qu'elles ont été évaluées sur une moyenne de six mois avant chaque obtention du visa n'ont pas incorporé ce nouvel élément. Résultat : sur les neufs nouvelles cotations en bourse de 2013 (Land'or, AeTech, NBL, OTH, Syphax, ECL, HL, BL et City Cars) seule Land'or cote aujourd'hui à un prix légèrement supérieur à son prix d'introduction. On se trouve aujourd'hui avec des titres nouvellement introduits mais avec des Price Earning Ratio (PER) assez élevés. Ainsi on a un PER 2012 de 110 pour AeTech, 28 pour Best Lease, 19 pour Hannibal Lease, 21 pour OneTech, 19 pour City Cars. Ceci en \contradiction\ avec des valeurs anciennement cotées et qui ont des PER beaucoup plus attractifs tels que le 7 de PER de CIL, 5 de la BNA, 10 de Assad et 6 de la SIMPAR, etc. C'est donc tout à fait normal que les nouvelles introductions en bourse n'ont plus le même engouement d'antan : le marché a bougé mais pas la valorisation des introductions.


En plus du problème de valorisation, il y a eu un problème de timing. La bourse tunisienne a levé en 2013 plus de un milliard de dinars d'épargne entre le marché obligataire et le marché des actions. Ce qui est louable d'autant plus que du fait du climat politique et sécuritaire du pays, la majorité de cette levée s'est faite localement. Mais le revers de la médaille est que l'absence d'argent \frais\ étranger a asséché la liquidité car beaucoup d'investisseurs locaux ont dû procéder à une réallocation de leurs actifs . Le problème de liquidité a frôlé le ridicule au mois d'août 2013 avec des volumes quotidiens de moins de un million de dinars. La problématique du timing s'est encore plus aggravée avec un calendrier de levées de capitaux mal réparti dans le temps. Ainsi on trouve entre mars et avril pas moins de dix opérations d'introduction en bourse et d'augmentation de capital. L'impact sur le Tunindex était immédiat en passant de 4764 à 4410 en l'espace de deux mois ( du 23 Mars au 20 Mai). On espère, dès lors, que pour 2014 il y aura une meilleure organisation au sein des intermédiaires en bourse pour avoir un planning bien étalé sur l'année.


Pour revenir au marché, une analyse sectorielle nous permet de voir que le secteur qui a le plus souffert cette année est le secteur du leasing. Ainsi on a constaté les baisses annuelles suivantes : Attijari Leasing - 31%, Modern Leasing -27% et ATL -22%. Or le leasing est le poumon de l'économie, si le leasing va, tout va. Le désaveu du leasing dénote alors une vue pessimiste des investisseurs sur une forte reprise économique en 2014. Il faudrait tout de même mettre cette performance dans son contexte. Hormis dix valeurs, tous les titres ont fait moins que 5% de performance annuelle avec une performance négative pour la grande majorité des titres.


Que nous réserve l'année 2014 ? Où faudrait-il investir ? Pour répondre à cette question il est opportun de savoir dans quel cycle économique on se trouve ( voir schéma ci-bas). La performance des sociétés de distribution (Magasin général -15%, Monoprix -14%) après une bonne année 2012 ainsi que des sociétés pharmaceutiques (Adwya -11% et Siphat -6%) nous laisse croire que la période de récession est peut être dernière nous. On se trouvera dès lors au démarrage d'un marché haussier et un positionnement sur des valeurs financières et de construction serait approprié.


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Inutile de rappeler que les trois dernières années nous ont appris qu'on est jamais à l'abri d'un évenement perturbateur du climat économique général. La prime de risque qui sera demandée par les investisseurs en 2014 incorpera l'avénement de surprises qui sont devenues de plus en plus fréquentes.


Du côté des introductions, l'année 2014 sera une autre année faste. Le sujet des introduction a été un sujet très sensible en 2013 et le restera pour 2014. D'une part on trouve des professionnels qui poussent à plus d'introduction en bourse afin d'avoir plus de profondeur de marché et une meilleure représentativité de l'économie tunisienne et d'autre part les petits porteurs qui patisssent doublement de ces introductions ( pas d'opportunité de gain sur les nouvelles valeurs et baisse des rendements des anciennes). Il est peut être opportun d'adopter le même mécanisme d'introduction en bourse dans les pays développés à savoir le \book building\. Au lieu de fixer le prix d'introduction, les intermédiaires en bourse laisseraient aux investisseurs décider le prix à payer pour chaque introduction en utilisant le mécanisme d'adjudication à la hollandaise dans le cadre d'une offre à prix ouvert ou minimum par exemple. Ceci pourra réconcilier les deux parties car cela permettra de procéder à approfondir le marché tout en laissant la possibilité aux petits porteurs de pouvoir profiter de souscriptions à de bas prix. Le salut de la bourse tunisienne par l'implication de tous et il est très important de prendre en considération les différents acteurs de la bourse tunisienne car comme le dit un proverbe africain\ tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin\.


Par : Eymen Errais


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