Le monde économique tunisien et son milieu financier, en particulier, ont été bouleversés par l’arrestation dans la nuit du mercredi à jeudi de l’homme d’affaires Ahmed Abdelkéfi, figure de proue du marché financier.
L’entrepreneur, âgé de 84 ans, aurait été arrêté dans une prétendue « affaire » liée à son passage à la tête du conseil d’administration de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) lors de sa création en 2011. Ahmed Abdelkéfi a été sollicité pour occuper le poste hautement honorifique (et sans aucune responsabilité opérationnelle !) en reconnaissance de sa riche carrière en tant que commis d’Etat, d’abord et, ensuite, en tant qu’entrepreneur visionnaire dans le monde de la finance et du tourisme, et dans la sphère économique, plus généralement.
Après un passage dans la haute fonction publique, Ahmed Abdelkéfi a rejoint le Fonds d’Abou Dhabi en 1978 après avoir été le premier PDG du groupe Sousse Nord à partir de 1973. A ce titre, il a lancé la station balnéaire du Port El Kantaoui, village touristique intégré, innovant à l’époque, dont le lancement avait inspiré d’autres projets similaires en Méditerranée et dont le secteur touristique tire encore des profits jusqu’à ce jour.
De retour en Tunisie, et contre l’avis « conservateur » du milieu bancaire, Ahmed Abdelkéfi avait lancé le leasing en Tunisie, activité qui a fait le bonheur de milliers d’entreprises, d’entrepreneurs et de professionnels du secteur privé, qui ont trouvé dans le leasing un moyen de financement pratique et compétitif. La société de leasing fondée par Abdelkéfi en 1984, Tunisie Leasing (rebaptisée après Tunisie Leasing et Factoring (TLF)), trône encore, quatre décennies après, en tant que leader incontestable du marché du leasing en Tunisie mais aussi sous d’autres cieux.
Le marché financier doit aussi à Ahmed Abdelkéfi le lancement en 1991 de Tunisie Valeurs dont il a fait un intermédiaire en bourse leader du marché face aux banques et à leurs filiales, disposant pourtant de centaines d’agences à travers le territoire tunisien.
Discret et pionnier dans l’âme, Ahmed Abdelkéfi, a également lancé le factoring en 1993 et a fondé Tuninvest, leader du capital-risque, en 1994, qui a essaimé en Afrique à travers le fonds panafricain « Afrincinvest », l’un des leaders respectés des métiers d’investissement et qui a un portefeuille de plus d’une centaine de participations dans des sociétés diversifiées de premier plan dans plusieurs pays du continent africain.
Dans le domaine touristique, et outre l’apport certain de Ahmed Abdelkéfi à l’essor de Port El Kantaoui, il a été derrière la restauration et le lancement d’unités luxueuses de renom dans l’hôtellerie et la restauration au cœur de la Médina de Tunis et de sa banlieue, bien avant que ce créneau ne soit développé dans d’autres destinations, comme notamment Marrakech au Maroc.
Devant son « palmarès » unique par son innovation dans le monde des affaires tunisien, par le nombre d’emplois qu’il a créés pour le pays, par sa réputation d’homme intègre et rigoureux et devant ses apports certains à l’économie de la Tunisie, outre son âge avancé, et sans empiéter sur l’enquête le visant, l’arrestation de Ahmed Abdelkéfi étonne et laisse perplexe, surtout que le poste de président du conseil d’administration (qu’il avait occupé lors du lancement de la CDC il y’a plus de 14 ans !) était plus honorifique et n’était en aucun cas opérationnel. Et même s’il y’ avait une accusation « fondée », a-t-on besoin d’emprisonner une personne aussi âgée et retirée des affaires depuis plusieurs années alors qu’on pouvait la laisser en liberté avec une interdiction de voyage ?! Les observateurs se posent aussi la même question pour les détenus dans des affaires comparables.
Ahmed Abdelkéfi a sans doute fondé un groupe à la réputation propre et honorable. Son arrestation assombrit encore plus le climat des affaires dans le pays et n’est pas à même de rassurer les investisseurs, qu’ils soient locaux ou étrangers.
Naoufel Ben Rayana
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