Le stimulus monétaire de la BCE est-il à la portée de la BCT ? (Par MAC S.A)

Le dernier billet économique publié par l'intermédiaire en Bourse MAC S.A revient sur le dernier stimulus monétaire opéré par la Banque Centrale Européenne (BCE) avec une question à la clé : La Banque Centrale de Tunisie (BCT) peut-elle s’inspirer de l’action de la BCE pour raviver une croissance en manque de souffle ?

«Les performances» décevantes de l’économie européenne (croissance anémique et faiblesse de l’inflation) ont forcé la BCE à renforcer son dispositif non-conventionnel à travers une action musclée défi nie lors de sa dernière réunion du 10 mars 2016, rappelle MAC S.A. L’artillerie de l’assouplissement quantitatif ou quantitative easing (QE) a permis, jusqu’à aujourd’hui, d’assouplir de façon substantielle les conditions du crédit pour les entreprises européennes, et de stimuler la demande de prêts pour financer des projets dans l’économie réelle.  Toutefois, aucune amélioration significative dans les fondamentaux n’a été observée jusqu’à aujourd’hui. Le lancement de ce programme (700 milliards d’euros) depuis juin 2014, n’a pas empêché la révision à la baisse des pré- visions d’inflation de 1% à 0,1%. Dans un tel contexte, la BCE s’est retrouvée amenée à assouplir davantage sa politique monétaire.

L’intervention musclée de la BCE révèle aussi un aveu d’échec de tout ce qui a été mené jusqu’à aujourd’hui estime MAC S.A. En affirmant que le QE pourrait durer jusqu’à mars 2017, et que les taux bas resteront sur une longue période dépassant même le programme de rachats d’actifs le président de la BCE a voulu activer la politique de Forward guidance qui repose essentiellement sur la dynamique des anticipations. Son objectif est de pousser les taux longs à la baisse afin de déclencher un mouvement de rééquilibrage des portefeuilles, très favorable pour les prêts au secteur privé.

L’intermédiaire en Bourse revient ensuite sur les facteurs qui expliquent l’étroitesse du champ d’action de la BCT. Il s’agit tout d’abord d’une question de priorité selon le billet, les dirigeants de la BCE priorisent les mesures qui permettent de faire repartir l’inflation et la croissance dans la zone euro. Ceux de la BCT partagent les mêmes soucis en matière de croissance, mais ils restent vigilants face au risque inflationniste. Car tous les ingrédients d’un dérapage demeurent présents : pressions baissières sur le dinar, revendications salariales excessives, contrôle partiel des circuits de distribution, … Et les gains enregistrés en matière d’inflation (de 6% en juin 2014 à 3.3% en février 2016) ne sont pas encore rassurants, comme en témoigne le maintien de l’inflation sous-jacente à un niveau relativement élevé (4,7% en février 2016). En ouvrant les vannes de la liquidité, les dirigeants de la BCE voudraient rapprocher l’inflation de l’objectif de 2%, alors que les prévisions tablent sur 0,1%. Cette différence de contexte, où les menacent inflationnistes continuent de peser sur l’économie tunisienne, justifie le maintien par la BCT de ses taux directeurs à un niveau positif, et explique le glissement des taux européens en territoire négatif.

Il y a ensuite le dynamisme du marché obligataire. MAC S.A Rappelle que le quantitative easing se transmet à l’activité économique, entre autre, via la baisse des taux longs. Les achats massifs d’obligations souveraines poussent les cours à la hausse, et du coup, ils provoquent la chute des taux longs. Aujourd’hui, les économies européennes se refinancent à des taux extrêmement bas. Le 30 mars, l’Allemagne se refinance à un taux de 0,15%, la France à 0,44% et l’Italie à 1,27%. Cette situation est très profitable pour les finances publiques de ces économies qui demeurent piégées dans les méandres de la crise de la dette souveraine, dans la mesure où la faiblesse des taux favorise l’allègement de la charge de leurs dettes. Dans un marché obligataire défiguré (absence d’une valorisation « mark-to-market » pour les portefeuilles obligataires ; domination des opérations de gré à gré ; sous estimation du risque corporate par rapport au risque souverain, mauvaise évaluation du risque de subordination, …). et plus précisément lorsque le dynamisme du marché secondaire fait défaut, comme c’est le cas de la Tunisie, le recours aux instruments non-conventionnels ne se justifie pas. Résultat : le Trésor tunisien se retrouve condamné à se refinancer à des taux supérieur à 5% aussi bien sur le marché domestique que sur le marché international des capitaux.

Pour conclure, MAC S.A estime que face à un pays éreinté par cinq années de crises (flou institutionnel, multiplication des actions terroristes, amateurisme politique, fièvre revendicative, banditisme dans les circuits de distribution, …) qui ont lourdement dégradé les fondamentaux de l’économie, la BCT ne pourra pas faire mieux en matière de politique monétaire. Aujourd’hui en Europe comme en Tunisie, l’incertitude géopolitique, la montée de l’insécurité et les dysfonctionnements structurels pèsent plus lourd que les interventions des banques centrales. Cependant, contrairement à la BCT dont les marges de manœuvre sont très minces, la BCE dispose encore, grâce à la profondeur de ses marchés de capitaux, de plusieurs outils non conventionnels. Si le recours à des taux d’intérêt négatifs ne se justifie pas pour le cas tunisien, compte tenu de la forte présence de pressions inflationnistes et de la faiblesse de l’épargne, le dynamisme du marché obligataire reste une piste prometteuse pour booster l’efficacité de la politique monétaire. La BCT ne pourrait pas espérer élargir la gamme de ses instruments non-conventionnels sans une réforme sérieuse du marché financier et notamment du compartiment obligataire.

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