Fête du travail - A quand la valorisation du travail en Tunisie ?

La Tunisie, à l’instar du reste du monde, célèbre aujourd’hui la fête du travail. Une fête qui perd de plus en plus de son sens dans un contexte dominé par les grèves. En effet, depuis le 14 janvier 2011, et l’ascension aux libertés individuelles, les grèves, notamment, sont devenues un véritable moyen de pression auquel recourent les travailleurs en vue d’obtenir satisfaction de leurs revendications. Toutefois, l’accroissement des grèves tout au long de quatre années, a fortement nui au tissu économique déjà affaibli des suites de la révolution.

Les dernières semaines ont été marquées par de multiples séances de négociations entre l’Union générale tunisienne de travail et le ministère de l’Enseignement sous la houlette de la présidence du gouvernement. Ces négociations ont pour objet de répondre positivement aux revendications des enseignants qui ont décidé d’observer une grève récidiviste mais aussi en pleine période d’examens. Cette situation a conduit à une grosse polémique alimentée en débat au sein de la société politique et civile. La grève est certes un droit constitutionnel mais qu’en-est-il du travail et de la dynamique économique depuis des années en suspension ? 

Plusieurs experts ont, à juste titre, fait observé que le travail a perdu de sa valeur en Tunisie. La montée du chômage s’explique, en partie, par le refus d’une certaine catégorie de chercheurs d’emploi d’occuper un poste de travail qu’ils jugent improportionnel à leurs attributs professionnels. Aussi, une étude effectuée récemment par l’association tunisienne de lutte contre la corruption, a-t-elle démontré que le fonctionnaire tunisien travaille environ 8 minutes par jour. Pour sa part, le professeur en psychologie à l’université tunisienne, Noureddine Kridis a indiqué dans une déclaration à l’agence de presse TAP à propos de la question de la valeur du travail : « La Tunisie a hérité d’un style de management très directif, partout, il n’y a que des directeurs, beaucoup de directeurs, alors que les autres ne sont que des exécutants et des laissés-pour-compte, ce qui fait que vu de l’extérieur, les Tunisiens n’aiment pas travailler, ou travaillent peu et sont paresseux. La valeur travail est en chute libre. »

La valeur du travail est donc estimée selon plusieurs facteurs qu’ils soient matériels ou immatériels. En Tunisie, les négociations entre les centrales patronale et syndicale basées sur des revendications d’ordre salarial, démontrent que la valeur du travail a davantage de portée matériel. Or, cela n’est pas suffisant pour dégager un rendement en croissance soutenue et une réelle création de richesse. Cette dernière est justement la clé de la relance économique dans le sens où elle permet la création d’emploi et par ricochet l’absorption du taux de chômage. Depuis le 14 janvier, la Tunisie déplore une instabilité en l’occurrence sécuritaire ayant touché de plein fouet le secteur des investissements privés. Cependant, plusieurs investisseurs étrangers ont du faire le choix de quitter la Tunisie car trop lésés par les grèves et sit-in et par conséquent des suites de la perte de la valeur du travail. Ces départs ont causé, bien entendu, des pertes de postes d’emploi et des employés au chômage en plus.

A la veille de cette fête du travail, l’UGTT et le ministère de tutelle ont finalisé la signature d’une convention accordant les augmentations salariales revendiquées par les syndicalistes. Un véritable marathon de négociations assorti de plusieurs jours de grèves et qui a résulté à la perte de plusieurs millions de dinars. La notion de la grève a clairement pris le dessus sur celle du travail et de sa valeur tout au long des quatre dernières années. Aujourd’hui, l’on pourrait croire, conventions signées à l’appui, que les travailleurs ont pu accéder à l’ensemble de leurs droits. Cela suffira-t-il enfin pour mettre un terme aux grèves successives et apprécier la valeur du travail ? 
 

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