La Société Tunisienne de l’Industrie Laitière, STIL, constituée en mai 1961, a réuni le 25 Janvier 2005, sa dernière assemblée générale ordinaire pour statuer sur l’exercice 2003 avant que ne soit entérinée la décision

La Société Tunisienne de l’Industrie Laitière, STIL, constituée en mai 1961, a réuni le 25 Janvier 2005, sa dernière assemblée générale ordinaire pour statuer sur l’exercice 2003 avant que ne soit entérinée la décision de sa liquidation après 44 ans d’existence. Une telle issue, qui, d’ailleurs, n’est jamais parue comme une surprise, a été maintes fois reformulée et reportée pour diverses raisons, souvent mal justifiées, mais qui revêtent avant tout une forte connotation d'ordre politique et social. Finalement, l’initiative lancée en octobre 2003 par la CAREPP, l’organe gouvernemental chargé de la privatisation, a abouti bien que partiellement, sonnant le glas pour une société dont la ligne de cotation affiche un état moribond depuis des années.

Revenant sur les facteurs qui ont précipité la société vers une situation financière précaire, M. Soltana, Président-Directeur-Général de la société, a fondé son argumentaire sur la libéralisation brusque du secteur. En effet, STIL, le premier fabricant de produits laitiers en Tunisie, a bénéficié jusqu’au début des années 90, à l’instar de TUNISIE LAIT la deuxième entreprise publique du secteur, d’une situation privilégiée dominante avec un partage mutuel et en parfaite entente du marché du lait et des produits dérivés. En contrepartie, la société fonctionnant similairement à un prestataire de service public devrait se plier aux directives du pouvoir politique en matière de production et d’approvisionnement en lait de boisson et jouer ce rôle régulateur sans se soucier des perspectives de profits ni des contraintes de gestion. Le privilège d’exclusivité s’étendait à certaines autres activités d’importation et de commercialisation de certains produits dérivés et autres variétés alimentaires à forte valeur ajoutée (beurres, fromages, fruits, boissons alcooliques etc.) qui ont longtemps permis à la société de garder une situation financière saine et de générer des excédents de trésorerie récurrents. C’était l’époque où cet acteur incontournable de l’agroalimentaire tunisien fut protégé par un cadre institutionnel idéal. Cependant, les actions de déréglementation qui ont touché, depuis une dizaine d’année, la filière laitière ont fait basculer la société dans une situation inédite. STIL s’est trouvée, d’un coup, avec un pléthore de personnel (plus de 1280), donc des charges fixes substantielles qui ne s’accommodaient guère, contre toute logique économique, avec la chute vertigineuse de ses parts de marché et l’état de sous-activité dans lequel se sont trouvés ses trois sites de production. L’exploitation ne générait plus d’excédent et les cash-flows n’étaient plus assurés comme auparavant. Le tarissement des sources de financement internes a affaibli la capacité de négociation des centres de collecte qui enregistrèrent une forte régression de la réception en lait frais par rapport à leur capacité théorique et à la concurrence, d’où une baisse forcée et non voulue de la production. La dégradation de la situation financière n’était que la résultante de la conjugaison de ces facteurs, eux mêmes à l’origine de l’endettement colossale de la société.

Les mêmes difficultés vécues par la STIL dans les années 90, sont devenues de plus en plus aiguës depuis quelques années avec encore le manque structurel de liquidité et de possibilités de crédit à CT, la stagnation des prix de vente, la concurrence privée de plus en plus agressive et « déloyale » et la montée continue des prix des intrants. Selon le dernier rapport d’activité de l’année 2003, la production globale en litrage traité a connu sa énième baisse, soit -17% passant de 33,6 millions fin 2002 à 28 millions de litres fin 2003. La production de lait de boisson a connu une baisse de 17,3% contre 15,2% pour celle des produits dérivées. Il faut noter que l’année 2003 a enregistré le transfert des équipements de la centrale laitière Tunis-Port à Bab Saadoun occasionnant davantage de perturbation dans la continuité de l’exploitation. A cela s’ajoute, déjà, une situation d’exploitation déficitaire à la centrale laitière de Sfax. Cette dernière n’a contribué, en 2003, qu’à 10% dans la production globale. A ce propos, le premier responsable de la STIL a fait remarquer que la centrale de Sfax n’arrivait à recevoir, malgré une forte capacité théorique de réception, que 4 millions de litres en 2003 contre 13 million L en 1999. Ces chiffres retracent bien les difficultés de la STIL dont la centrale de Bab Saadoun reste le seul véritable contributeur au chiffre d’affaires durant ces dernières années, la décision de fermeture de la centrale de Sfax qui s’avère être une nécessité pour arrêter l’hémorragie n’ayant pu être appliquée qu’en décembre 2004 à cause d’un climat social et syndical très tendu. En 2003, le site de Tunis a réalisé un chiffre d’affaires de 18MDT (17,6MDT en 2002) pour une perte de 11,6MDT (-6,1MDT en 2002) alors que l’unité de Sfax a enregistré une perte de 3,3MDT (-2,1MDT en 2002) pour des revenus de 4MDT (6,6MDT en 2002).

Mis en œuvre depuis mars 2004, le passage d’une partie des actifs de la STIL entre les mains des privés a été effectué moyennant un prix de cession de 7,424MDT. Au début, l’appel d’offres international pour la cession des éléments d’actifs de la société a porté sur deux lots distincts : un premier comprenant la centrale laitière de Bab Saadoun et les 3 centres de collecte ; le deuxième est constitué par la centrale laitière de Sfax et par un dépôt commercial. Seuls les actifs de Tunis ont trouvé des acquéreurs auprès du groupe SFBT pour un montant avoisinant les 6,624MDT. De son côté, l’Hôtel les Nymphes situé à Zaghouan a généré 800 mille DT. Le profit de la cession qui reste de la déduction de la valeur comptable nette des actifs cédés du produit de la vente, s’élève à 3,860MDT. Rappelons que dans le cadre des divers plans de restructuration qui ont précédé,  l’Etat a indemnisé pour un montant de 8MDT le personnel licencié de la société. En outre, il a pris en charge une partie du service de la dette de la BNA, première créancière et actionnaire de la société (88% du capital), pour un montant de 6MDT. A ce titre, un cadre de la BNA, en l’occurrence M Mbarek Mbarek, a été mandaté pour mener la procédure de liquidation de la STIL. Au vu du poids des reports déficitaires au 31/12/2003 soit 129,3MDT et du passif accroché d’un montant de 129,7MDT, l’ardoise supportée par les entités publiques est lourde. Soulevée par certains observateurs, la question du dédommagement des petits porteurs de la STIL est restée en suspens.

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