La recapitalisation des banques publiques est de nouveau au devant de la scène à l’issue de l’achèvement des audits approfondis dont elles ont fait l’objet. Dans une interview à une radio de la place, le Ministre des Finances a indiqué que les besoins de recapitalisations ont êté arrêtés à 765 MD pour la STB, 200 pour la BH et 270 MD pour la BNA. Cela correspond globalement à une enveloppe totale de 1245 MD. La nouveauté annoncée par le Ministre est la décision d’ouvrir le capital de ces banques à concurrence d’environ 15% à des partenaires techniques. Cette décision est très surprenante voire même incongrue pour les raisons suivantes :
1/ Une recette unique pour trois banques ayant des vocations très différentes, des difficultés très inégales, des valorisations très éloignées (300 MD pour la BH contre 110 MD pour la STB). On se demande même à quoi ont servi les audits et études approfondis si c’est pour aboutir à une seule et même recommandation. De surcroît, même le calendrier annoncé par le ministre est le même c'est-à-dire qu’aucun travail préalable ne sera fait avant l’ouverture du capital. Tous les experts s’accordent que pour le cas de la STB, un grand travail de restructuration est nécessaire avant toute opération sur le capital. Il y a même eu un grand travail sur le sujet de la défaisance d’une partie de ces créances accrochées à une structure ad-hoc. Une sorte de « Bad Bank » pour se débarrasser des actifs toxiques. Le pôle touristique, un véritable destructeur de valeur pour la banque depuis 20 ans, attend les réformes annoncées par la nouvelle loi sur la société de gestion qui tardent à prendre forme avec la forte opposition du puissant lobby des hôteliers.
2/Le niveau d’ouverture du Capital de 15% ou même de 20% à un partenaire technique est un niveau très insuffisant comme a pu en témoigner l’échec récent de l’opération similaire de Tunis Ré pour 25% de son capital. Aucune institution financière sérieuse ne souhaite prendre une position minoritaire dans une autre institution et de surcroît lui apporter de l’assistance technique et son savoir faire sans s’entourer des garanties nécessaires pour s’assurer un droit de vote prépondérant. Ceci exige une opération pour au minimum 35% avec une possibilité d’évoluer vers une majorité au bout de quelques années.
3/La définition du Ministre d’un partenaire technique c’est une institution qui prend une participation minoritaire, qui vous apporte son savoir faire mais qui surtout accepte de vous revendre sa participation au bout d’un certain temps (exemple 10 ans). Or il s’agit là de caractéristiques propres à une opération réservée à des fonds d’investissement ou des partenaires financiers qui ont pour vocation d’investir pour une période limitée dans le temps et qui doivent impérativement revendre au terme d’un certain temps. On voit bien que les conditions d’un partenariat technique ne sont pas du tout réunies dans cette structuration qui prend plus la forme de contrat à durée déterminée.
Lire également : Réforme des banques publiques : qu’en est-il ? (Slim CHAKER)
Il est très lointain le temps où des institutions financières acceptaient de prendre des positions minoritaires dans les banques locales. De même l’intérêt par des banques internationales pour le secteur financier des pays émergents a beaucoup diminué. Le paysage actuel est plus dominé par des fonds d’investissement (Private Equity notamment) ou des institutions supra-nationales (SFI, AFD..) qui écument les bonnes affaires un peu partout dans le monde. A notre avis, c’est cette seule catégorie d’investisseurs qui pourraient être intéressés par les opérations projetées. Mais l’on est alors en droit de se demander quel intérêt auront ces opérations pour nos banques publiques ? Simple apport d’argent ou une modeste contribution à l’amélioration de la gouvernance. Cela nous paraît très insuffisant par rapport à l’enjeu autrement plus important de la viabilité de nos banques publiques. En conclusion, une grande précipitation semble avoir guidé la solution préconisée qui ne correspond ni par son timing ni par ses termes de références aux conditions clés de sauvetage et de redressement de nos banques publiques.
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