L’évaluation des actions de sociétés fait souvent appel à des méthodes dites de flux. Celles-ci reposent sur un document essentiel qui est le Business Plan qui retrace d’une manière chiffrée l’ensemble des prévisions de la société sur une période qui s’étale le plus souvent sur 5 ans.
A l’occasion des introductions en bourse, il est souvent fait appel à ces méthodes qui représentent in fine plus de 50% de la valeur retenue. Dans un contexte économique de croissance soutenue et de stabilité politique, le recours à ces méthodes est quelque chose de normal car la visibilité est en général bonne. En revanche, quand la croissance est en panne et que le pays est en phase de grandes turbulences, l’estimation des perspectives d’avenir pour n’importe quelle institution devient un exercice pour le moins complexe pour ne pas dire aléatoire.
Or, il se trouve qu’à l’occasion des OPV des années 2013 et 2014, les introducteurs ont continué à utiliser les mêmes méthodes sans se soucier le moins du monde des conditions économiques qui ont complètement changé. Il en a résulté dans beaucoup de cas des Business Plans avec des hypothèses d’activité trop optimistes et des scénarii de développement totalement déconnectés de la réalité. Conséquence de tout cela c’est que l’évaluation de plusieurs titres nouvellement introduits s’est faite avec des Business Plans totalement irréalistes et donc cela a conduit à une surévaluation manifeste de ces titres à l’entrée en bourse. En examinant un certain nombre de réalisations de sociétés cotées et en les comparant avec les réalisations, on constate des écarts effarants qui varient de 8% à 25% et en termes de revenus et plus grave encore en termes de résultats d’exploitation qui peuvent baisser de 50% et plus et devenir par la force des choses déficitaires. Certaines sociétés se sont même installées durablement dans des situations de déficit structurel et ne seront pas en mesure au cours des prochaines années à réaliser le moindre Dinar de bénéfice prévu dans leurs Business Plans. Ces difficultés entraînent un changement complet des variables du modèle utilisé (problème de solvabilité, besoin de recapitalisation, perte de parts de marché, impact en termes d’image…) et remettent totalement en cause la valorisation effectuée.
Toutes ces déconvenues financières réellement observées ont effectivement entraîné la chute des cours des sociétés concernées et plusieurs d’entre elles ont perdu plus de 50% par rapport à leurs valeurs d’introduction. Ces décrochages brutaux ont décrédibilisé un grand nombre d’opérations surtout sur le marché alternatif et ont fortement altéré la confiance des investisseurs y compris les plus avisés dans les profils de sociétés introduits à la bourse.
Par temps de crise économique, d’instabilité et de transition politique, il est clair que le choix des sociétés à introduire en bourse devrait encore être plus sélectif et répondre à un certain nombre de conditions de solidité et de viabilité économique. En aucun cas, le marché alternatif ne devrait se transformer en marché pour des entreprises en difficultés, ni d’ailleurs, le marché principal ne devrait se transformer en un marché d’entreprises jadis florissantes qui ont purgé tout leur potentiel de croissance, et dont les managers sont en panne de véritables stratégies de développement.
Mais encore plus important, une réflexion devrait être engagée par les professionnels du marché sur les déterminants de l’évaluation des sociétés à l’occasion des OPV. Il est important de s’approfondir davantage sur les hypothèses de travail, sur un diagnostic plus sérieux et professionnel des sociétés à introduire, sur les méthodes choisies, sur les pondérations retenues et surtout parvenir à une meilleure adéquation entre les prix proposés et sur la capacité des épargnants à y souscrire. Dans un marché qui a pendant longtemps souffert de la faiblesse de l’offre, il n’est pas normal que l’on veuille remédier à cette anomalie en sacrifiant l’épargne des petits porteurs.
L'équipe Tustex.
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