A l’heure du bilan, l’année 2019 a été comme attendu très difficile pour la Bourse de Tunis. Fin 2018, les investisseurs pouvaient s'attendre à une année rude dans un contexte politique tendu plus que jamais à même de nourrir le scepticisme, couplé à une situation macro-économique plus que mitigée. Le pronostic s'est finalement confirmé : peu de points positifs resteront à retenir de l'année boursière, qui s'est inscrite dans la continuité du deuxième semestre 2018, et le début du glissement du Tunindex qui visait encore les 10 000 points en milieu de l’année précédente. Les deux indices phares de la BVMT ont finalement décroché, respectivement de 2,06 et 3,70%.
Le comportement contrasté des fortes capitalisations et des valeurs bancaires a fortement impacté le parcours de la place de Tunis, où les volumes d’échanges ont nettement reculé en 2019. A Ceci s’ajoute au fait que le marché primaire qui n’a connu aucune nouvelle introduction cette année, avec qui plus est des augmentations de capital difficilement clôturées, à l’image de celles de Land’Or et d’ATL.
Le tableau n’est pas aussi sombre si l’on regarde les indicateurs d’activité des sociétés cotées sur les 3 premiers trimestres de 2019, qui font ressortir un revenu global en hausse de 8,5% par rapport à la même période de l’année 2018, pour atteindre 13 milliards de dinars contre 12 milliards de dinars, dominé à 66% par les 20 sociétés qui composent le Tunindex20. Toutefois les investisseurs n’ont pas été séduits par ces signaux positifs, à la clôture de la dernière séance de l’année : 42 valeurs ont terminé 2019 dans le rouge contre 35 progressions. 9 indices sectoriels sur 13 pointent vers le bas.
A titre d’exemple, l’indice sectoriel des banques a été malmené tout au long de l’année, frôlant sa première baisse annuelle depuis 2013 ; ce n’est qu’à la faveur des deux dernières séances que l’indice est remonté en territoire positif atténuant sa contreperformance, pour se contenter au final d’une légère hausse de 0,23%, contre + 10,59% en 2018. Pratiquement tous les poids lourds du secteur terminent l’année avec des rendements négatifs, BIAT recule de 0,42%, BH de 2,03%, BNA de 12,14% et Attijari Bank de 14,9%. A l’opposée, Amen Bank gagne 9,86% alors que BT grignote 0,75% sur l’année. Certains analystes mettent en cause, entre autres, une correction exagérée au vu des fondamentaux, où encore les orientations de la Banque Centrale qui alimentent l’incertitude.
Les banques cotées affichent pourtant des résultats qui résistent à la conjoncture. A fin septembre, le produit net bancaire (PNB) cumulé des 12 banques cotées a atteint 3 545MD durant les 9 premiers mois de l’année, contre 3 110 MD sur la même période de l’année 2018, soit une progression de 14%. De par l’intensification de leurs efforts de collecte, les banques ont enregistré une hausse globale de 6,9% au niveau des dépôts au terme des neuf premiers mois de l’année, contre une progression bien plus modérée des crédits, de 3,1% sur la même période.
A son tour, la première capitalisation du Tunindex, SFBT, se maintient à peine dans le vert avec un rendement annuel de 0,04%. SFBT a réalisé un bénéfice de 116,3 MD au premier semestre 2019, en hausse de 5%. Les revenus à fin septembre se sont inscrits en hausse de 8% pour atteindre 533,3 MD. Poulina GH affiche de son coté, un gain de 7,48% sur l’année. Le groupe a connu une légère amélioration de son bénéfice à fin juin 2019, de 1,6% en glissement annuel. Les revenus à fin septembre se sont inscrits en hausse de 9% malgré le repli enregistré au troisième trimestre, lié à la baisse du niveau des prix de vente dans le secteur avicole.
Au palmarès des plus fortes hausses de l’année, c’est à Cellcom que revient la meilleure performance, le titre a gagné 147% depuis le 1er janvier. La société qui sortait d’une année 2018 difficile, ponctuée par une perte de 3,3 MD, a vu ses revenus progresser de 13% sur les neuf premiers mois de 2019.
Parmi les valeurs les plus performantes aussi, MPBS grimpe de plus de 91%. Apr7s une hausse de 25% du bénéfice consolidé en 2018, la société a annoncé un léger repli de son résultat net au premier semestre 2019 de2%. MPBS a récemment annoncé l’acquisition de trois sociétés opérant dans le secteur du bois.
Coté baisses, les titres les plus sanctionnés ont été SERVICOM, qui perd 66,85%, MIB, en baisse de 63,3%, et UADH, qui cède 49,73%. Tunisair perd 19,23%, alors que Carthage Cement se replie de 42,23%.
Au chapitre économique, ont retiendra plusieurs éléments, à commencer par les chiffres peu flatteurs de la croissance. Ainsi, le PIB de la Tunisie a augmenté de 1,1% à fin septembre 2019, comparé à la même période en 2018. La croissance au troisième trimestre s’est établie à 1% par rapport au troisième trimestre 2018 et à 0,2% par rapport au second trimestre 2019. Le gouvernement tablait sur une croissance de 3,1%.
Cette croissance faible s’inscrit également dans un contexte mondial de ralentissement généralisé qui a touché aussi les principaux partenaires économique du pays. Certaines projections, notamment celles de l’OCDE évoquent pour 2019 la croissance mondiale la plus faible depuis la crise de 2008, à 2,9% contre 3,5 en 2018. Le contexte local s’est enlisé dans l’incertitude renforcée par le rendez vous électoral. Malgré une saison oléicole exceptionnelle et une récolte record pour la filière des dattes, ainsi qu’une saison touristique qui renoue avec les chiffres d’avant 2015 (année des attentats meurtriers), et qui a sensiblement réduit le déficit courant, l’économie tunisienne a subi les contreperformances du secteur industriel, dont la valeur ajoutée continue de reculer, avec une baisse de 1,6% sur les neuf premiers mois selon les chiffres de l’INS. Elle a également supporté la baisse de la production dans le secteur du pétrole et du gaz, dont la valeur ajoutée a reculé de 6,8% à fin septembre. La production de phosphate a pratiquement stagné, pour s’établir à 0,97 millions de tonnes au T3 2019.
Par ailleurs, les IDE à fin septembre, ont représenté 2,4% du PIB, en ligne avec la moyenne des 5 dernières années. L’année 2019 a été relativement faible au niveau de l’amélioration du climat des affaires : la Tunisie n’a en effet gagné que 2 place au classement Doing Business, paru au mois d’octobre, se positionnant au 78éme rang mondial, au 8éme rang dans le monde arabe derrière les Émirats Arabes Unis (16èmes), le Bahreïn (43ème), le Maroc (53ème qui gagne 7 places), l’Arabie Saoudite (62ème), Oman (68ème), la Jordanie (75ème) et le Qatar (77ème). La Tunisie est 5éme sur le plan continental, derrière l’Ile Maurice (13ème mondiale), le Rwanda (38ème), le Maroc (53ème) et le Kenya (56ème).
Au niveau de l’inflation, les mesures prises par la BCT ont permis de réduire le taux d’inflation de 7,3% en moyenne durant les onze mois de 2018, à 6,3% cette année. Le taux d’inflation en novembre 2019 se replie à 6,3% après un taux de 6,5% le mois dernier et 6,7% le mois d’avant. Cette baisse est expliquée essentiellement par une décélération du rythme d’augmentation des prix de l’alimentation de 6,6% à 6,3%, ainsi que le repli de l’inflation au niveau du groupe de transport (2,9% contre 3,4% le mois précédent).
Le dinar a quant à lui repris plus de 8% face à la monnaie unique européenne, alors que les anticipations évoquaient un euro à 4 dinars en début d’année, et de 5,7% face au dollar américain. Les réserves ont devises sont revenues à 110 jours d’importation, après avoir passé le cap des 19 milliards de dinars au cours du mois de décembre.
Parmi les évènements marquants de l’année figure sans doute le retrait de la Tunisie de la liste noire du GAFI, après la mission d’appréciation du groupe d’action en septembre 2019. La mission a finalement attesté que la Tunisie a achevé son plan d’action relatif au retrait de la Tunisie de la liste des pays soumis à la surveillance.
Pour l’année 2020, les prévisions de croissance tablent sur 2,4% selon le FMI, et 2,6% selon Moody's et la BERD. L’année s’annonce aussi indécise que 2019 : l’incertitude est d’ores et déjà le mot d’ordre pour le début de 2020 : un mois et demi après la parution des résultats définitifs des législatives, la formation du gouvernement s’éternise et l’annonce de la composition de l’équipe de Habib Jemli a été reportée à plusieurs reprises.