Le marché boursier abordait l'année 2012 entre l'appréhension et l'espoir après avoir concédé en 2011 sa première baisse en 9 ans. A la sortie d'une année révolutionnaire, l'économie tunisienne cherchait des voies pour une sortie de crise après la récession qui a touché le pays et fait baisser le PIB de 1,8% avec des niveaux de chômage et d’inflation inédits.
L'année 2012 a commencé dans un climat lourd sous l'effet entre autres de la nomination tardive du gouvernement fin décembre 2011, soit deux mois après les élections alors que les acteurs économiques du pays attendaient des signes rapides de reprise. Le programme économique du nouveau gouvernement n'a quant à lui été approuvé qu'à fin mars.
A cela s'ajoutent les fortes critiques qui ont accompagné le vote du budget de l'Etat pour l'exercice 2012, en l'absence de véritable débat parlementaire. Certains considéraient l'année 2012 comme cruciale sur le plan économique autant que sur le plan politique, y voyant une chance pour le marché financier de porter sa contribution au financement de l'économie de 5% fin 2011 à un niveau plus raisonnable.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Tunisie peine à se relever des bouleversements qu'elle a connus après la chute de l'ancien régime, amplifiés par les tiraillements politiques qui ont suivi les élections et dont les noyaux ont souvent été des questions périphériques qui ont eu des répercussions graves sur la situation sécuritaire, sociale et économique du pays. Les appels au retrait de confiance du gouvernement n'ont pas attendu la fin du premier semestre pour se faire entendre, le constat d'échec établi par l'opposition a souvent été qualifié de tentatives de déstabilisation par le gouvernement.
Dans ce contexte, les principales agences de notation ont réagit de la seule manière possible, à commencer par Standard & Poors qui a abaissé le 23 mai, de deux crans la note de la dette à long terme de la Tunisie à BB, reléguant ainsi le pays dans la catégorie des emprunteurs spéculatifs.
Pour sa part, Fitch a d'abord confirmé à ‘BBB-’ la note de défaut émetteur (Issuer Default Rating - IDR) à long terme en devises attribuées à la Tunisie, et sa note IDR à long terme en monnaie locale à ‘BBB’ assorties de perspectives négatives, avant de déclasser ces notes respectivement à BB+ et BBB- en décembre, et d'abaisser le plafond de la Tunisie de 'BBB' à 'BBB-' et à court terme en devises IDR de 'F3' à 'B', mettant en avant les politiques incertaines du gouvernement, les troubles sociaux qui ont connu plusieurs épisodes inquiétants, ainsi que l'incertitude sur la transition politique avec le report des élections à juin 2013, voire au delà.
Sur la cote, le bilan final n'a pas donné raison aux optimistes, l'indice principal de la BVMT a essuyé sa seconde baisse annuelle consécutive au terme d'une année boursière coupée en deux et marquée par un événement tragique à savoir l'attaque de l'ambassade américaine, le 14 septembre, date qui a sonné le renversement de la tendance de manière quasi-continue sur les deux mois et demi qui ont suivi. Ironie du sort, l’ambassade Américaine et la BVMT se trouvent à quelques dizaines de mètre l’une de l’autre. Auparavant, le Tunindex a affiché jusqu'à 11,53% d'avance en juillet, tout d'abord favorisé par le retour des achats à bon compte après les baisses enregistrées en 2011, et conforté en suite par les indicateurs d'activité qui ont progressivement apaisé les craintes sur les performances des sociétés cotées dans un contexte économique et politique toujours incertain.
Le Tunindex perdait entre le 14 et la fin décembre la moitié de son rendement pour continuer à dévaler les marches baissières jusqu'au 27 novembre ou il est passé en territoire négatif. L'année se termine finalement par une baisse de 3,02% à 4 579,85 points.
Pour ce qui est des principales performances sur le marché actions, la médaille d’or revient incontestablement au titre ELECTROSTAR qui s’est apprécié de 394,71% sur l’année clôturant à 3,970 DT. Le retour sur repli consécutif à la baisse de 2011, s’est poursuivi de manière considérée comme irrationnelle par certains analystes. Il n’en demeure pas moins que les derniers indicateurs d’activités publiés par la société indiquent une hausse de 157% du chiffre d’affaires au terme des neufs premiers mois de l’année, à 60,153 MD, soit un record historique qui dépasse l’année 2011 pleine. L’actio SOTUMAG affich un rendement annuel de 63,91% à 1,780 DT. ESSOUKNA prend 54,98% à 10,590 DT. ADWYA progresse de 37,85% à 7,900 DT. SERVICOM termine l’année à 14 DT après avoir cumulé un gain annuel de 27,39%.
La plus forte baisse de l’année a touché SIPHAT qui se replie de 32,53% à 9,500 DT. TUNISAIR recule de 17,54% à 1,410 DT. BH perd -28,89% à 12,400 DT. SOMOCER termine sur une baisse de 28,49% à 2,500 DT.
L’actualité des sociétés cotées a été également marquée par le démarrage du programme de cession par l’Etat tunisien des parts confisquées aux membres de la famille de l’ancien président et ses proches, mis en place par la Commission Nationale de Gestion d’Avoirs et des Fonds Objets de Confiscation ou de Récupération en Faveur de l’Etat créée le 14 juillet 2011. Le bloc de contrôle du concessionnaire automobile ENNAKL a été racheté par le consortium Poulina-Parenin (Groupe Amen) qui a présenté une offre de près de 238 MD pour les 60% du capital, soit un prix unitaire de 12,850 DT, devançant Bouchamaoui-Alonso Domingo et Atrous- Egyptian Automotive & Trading Co. Rappelons que PARENIN est concessionnaire des engins Caterpillar, Atlas Copco et John Deere. La société est une filiale d’Amen Group fondé par la famille Ben Yedder et contrôlé par la société mère PGI-Holding.
Le cas de la BT a quant à lui connu un rebondissement de dernière minute après que le premier dépouillement ait déclaré le fonds italo-luxembourgeois Royal Luxembourg SOPARFI vainqueur avec une offre avoisinant les 217 MD pour acquérir les 13,1%, soit un prix de 14,876 DT par action au moment ou l’action se traitait à 12,500 DT en bourse. La Banque Centrale de Tunisie a ensuite bloqué l’opération avançant la non-conformité du fonds italo-luxembourgeois avec les dispositions de l'article 8 de la loi 2001-65 relatives aux établissements de crédit. A l’annonce du résultat initial, des rumeurs sont apparues accusant Royal Luxembourg de spéculation, de blanchiment d'argent et d'activités illicites, le nom de Belhassen Trabelsi a même été cité. Il a fallu attendre le 22 décembre pour que la BFCM-CIC, déjà actionnaire à hauteur de 20% de la BT, soit officiellement désignée comme adjudicataire, après avoir accepté d’aligner son offre à celle de Royal Luxembourg contre une offre initiale de 204,8 MD.
L’autre dossier important concerne le bloc de 50,24% du capital de Carthage Cement pour lequel un appel à manifestation d’intérêt a été lancé le 29 octobre 2012. Le processus de vente a toutefois été temporairement suspendu le 25 décembre par la commission de gestion en attendant des améliorations réglementaires nécessaires au développement et à la compétitivité du secteur cimentier Tunisien et notamment en matière d’export et libéralisation des prix. Ce projet est en cours d’étude actuellement au niveau du Ministère de l’Industrie et du Commerce dans le but de donner un échéancier de libéralisation des prix et une levée progressive des quotas d’exportation du ciment. L’impact de ces décisions sur le Business Plan et les perspectives de la société Carthage Cement devrait être très positif et pourrait de ce fait conduire à une très nette amélioration de la valeur de la cession, renchérit le communiqué explicatif.
Dans la continuité de l’année qui s’achève, la bourse de Tunis devra en 2013 composer avec le climat politique dans le pays qui pour le moment offre peu de visibilité, la date des prochaines élections est encore hypothétique et les risques associés aux derniers troubles sociaux sont encore omniprésents. Le rapport du budget de l’Etat 2013, récemment publié par le ministère des finances, évoque un montant de 26 792 MD, en hausse de 4,9% par rapport au budget précédent, et table sur un taux de croissance de 4,5% portant le revenu par habitant à 7290 DT contre 6600 DT en 2012.
Du coté de la bourse, le marché primaire sera particulièrement actif, avec 4 nouvelles introductions déjà confirmées et validées par le CMF, en l’occurrence celle de Landor, NEW BODY LINE, Syphax Airlines et Ae Tech sur le marché alternatif ainsi que l’admission sur le marché principal de la société Euro Cycles. Par ailleurs, le Directeur général d’Axis Capital, a déclaré lundi 22 octobre 2012 que la société « City Cars », concessionnaire automobile en Tunisie des véhicules KIA, devrait être introduite en bourse au premier trimestre 2013. A cela s’ajoutera vraisemblablement, Hannibal Lease et la société Impact, spécialisée dans les activités d’emballage et notamment les bouteilles en P.E.T. Près de quinze autres sociétés qui étudient activement la possibilité de s’introduire sur le marché boursier tunisien.
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