Tunisie Valeurs a publié, dans sa revue du mois d'octobre, une note de recommandation consacrée à la Banque de l'Habitat (BH), Benjamine du secteur public et qui mérite une attention à part selon l'intermédiaire en Bourse, qui rappelle que la mission d’audit ont abouti à la mise en place d’un plan de recapitalisation pour un montant global de 200MDt (un emprunt subordonné de 90MDt réalisé au cours du mois d’avril 2015, et une augmentation de capital de 110MDt. En parallèle, un plan stratégique sur 5 ans a été élaboré, amorçant un tournant décisif pour la banque publique…Un potentiel certain pour de nouveaux investisseurs privés, selon la note.
• Analyse financière de la banque :
Les dépôts : Avec une collecte moyenne de 236MDt sur les 4 dernières années et un réseau de 105 agences, la BH se classe en milieu de tableau avec une part de marché de 10% à fin mars 2015. Du fait de son statut de banque ‘immobilière’, la structure des dépôts est majoritairement constituée de ressources longues et coûteuses (68%). A titre d’exemple, le Plan Epargne Logement (PEL), produit phare de la banque, offre aux épargnants un placement à un taux garanti sur une période pouvant aller jusqu’à 6 années, et qui permet à l’issue de la phase d’épargne, d’obtenir un crédit habitat à un taux préférentiel connu à l’avance. Un produit d’appel, mais qui pèse fortement sur son coût de ressources** : un taux de 4.3% en 2014, parmi les plus élevés du secteur.
Pour pallier à la cherté de ses ressources, BH veut rompre avec une image essentiellement «immobilière» et diversifier ses maturités en privilégiant davantage les dépôts à vue. La progression de dépôts à vue de 7% an, prévue par le management, devrait réduire le coût de ses ressources de 4.3% en 2014 à 3.6% en 2019 soit une baisse moyenne de 13pb par an. La banque ne quittera pas pour autant la sphère immobilière, mais s’orientera vers des produits de maturité moins longue et à moindre coût. La progression de la collecte s’accompagnera également par une politique d’extension plus dynamique du réseau.
Le réseau d’agences de la BH est relativement réduit par rapport au reste du secteur (un réseau de 105 agences contre une moyenne de 140 agences par banque). La banque projette l’ouverture moyenne de 10 agences par an pour atteindre un total de 150 agences en 2019. La banque table ainsi sur une progression de 10.4% par an de ses dépôts pour atteindre 7 590MDt en 2019.
Les crédits : Dans un climat économique morose, les encours de crédits de la banque ont enregistré, sur les 3 dernières années, une croissance de 5%, avec une reprise qui semble toutefois s’amorcer en 2014 (+14%). Pionnière dans le crédit logement, 42% des engagements de la banque sont destinés au secteur immobilier (acquéreurs + promoteurs). Une proportion qui est néanmoins en baisse depuis 2009 où elle représentait 51% du portefeuille crédits de la banque.
Dans la même logique de diversification de son portefeuille, et dans un souci de réduire son risque de concentration, la banque projette de renforcer son positionnement sur d’autres secteurs de l’économie et préserver son positionnement sur les crédits pour particuliers. Ceci étant, BH maintiendra son leadership sur les crédits immobiliers, qui continueront à occuper une place prépondérante dans les engagements de la banque.
Sur les cinq prochaines années BH devrait enregistrer une hausse moyenne de 8.2% de ses encours de crédits pour atteindre 7 075MDt en 2019. Des réalisations qui resteront tributaires d’une situation économique et d’un climat des affaires plus favorables.
Le rythme de croissance inférieur à l’évolution des dépôts devrait mécaniquement améliorer le ratio de couverture des crédits par les dépôts (dépôts / crédits), et atteindre, dès 2015, les standards de la BCT (100%).
Le PNB : La structure du PNB est dominée par les revenus d’intérêt avec une proportion moyenne de 70% sur la période 2012 -2014. Une pondération bien au-dessus de la moyenne sectorielle (58%) qui crée une forte sensibilité des revenus de la banque aux évolutions de taux. La donne a quelque peu changé en 2014. Au vu d’un contexte peu propice à l’investissement, à l’assèchement de la liquidité et à une concurrence plus agressive entre les banques, la margé d’intérêt s’est contractée et la hausse du PNB a principalement émané de l’activité de placement de la banque. La BH a doublé ses revenus de portefeuille, lui permettant ainsi de compenser la stagnation de ses revenus d’intérêt et d’afficher une croissance de 19% du PNB. La marge d’intérêt a ainsi perdu 10 points de pourcentage passant de 71% à 61% en 2014.
Principal moteur du PNB, l’amélioration de la rentabilité sur les prochaines années passera par une optimisation de la marge d’intérêt, qui continuera à peser pour l’essentiel du PNB de la banque. En se positionnant sur des secteurs viables plus rentables et en maitrisant la concurrence, le spread d’intérêt devrait s’améliorer de 11Pb en moyenne par an, passant de 2.98% en 2014 à 3.15% en 2019.
Aux côtés des revenus d’intérêts, la banque mise également sur son activité de placement, principalement en BTA, (+15% par an) et la progression des commissions grâce à la promotion de nouveaux services bancaires et le relèvement de certains tarifs (+17% par an).
Ainsi, et à un rythme de croissance supérieur au trend historique (+6% par an), le PNB de la banque devrait enregistrer, selon le management, une progression moyenne de 12% par an pour atteindre de 427MDt en 2019.
La productivité : La productivité de la banque n’a cessé de se détériorer depuis 2008. Les charges d’exploitation ayant évolué 4x plus vite que le PNB, le coefficient d’exploitation de la banque est passé de 39% en 2008 à 53% en 2013.
Sur l’année 2014, la croissance du PNB a permis d’améliorer mécaniquement la productivité de la banque avec un coefficient d’exploitation de 48%, inférieur à la moyenne sectorielle estimée à 50%. L’effort devrait se poursuive au cours des prochaines années. Parmi les axes prioritaires, la banque devrait mettre en place une politique de compression des charges afin de pallier au sureffectif en ressources humaines. Cette stratégie se traduira par un plan sur 5 ans : recrutements ciblés, départs à la retraite, assainissement de l’effectif et une politique de rémunération plus adaptée. Avec une croissance moyenne de 6% par an des charges d’exploitation, le coefficient d’exploitation de la banque devrait passer de 49% en 2014 à 38% en 2019, retrouvant ainsi sa gestion rigoureuse de 2008.
Qualité de portefeuilles et rentabilité : A l’instar du secteur, BH n’a pas échappé à la dégradation de la qualité de son portefeuille depuis la révolution. Les créances classées ont doublé, ramenant le taux de créances classées de la banque à 21.6% à fin 2013. Mais c’est surtout la publication de la circulaire 2013 de la BCT* qui a dévoilé une gestion du risque peu rigoureuse. En 2013, la banque a dû constater une enveloppe de provisions pour un montant total de 311MDt, impactant directement ses résultats : un déficit record de 220MDt et des fonds propres réduits à 227MDt. Malgré l’enveloppe de provisions allouée sur l’exercice 2013, le taux de couverture est resté inférieur aux normes exigées par la BCT à 65% (contre un minimum exigé de 70%).
L’année 2014, est placée sous le signe du rattrapage. L’assainissement majeur opéré, la banque crée la surprise avec un bénéfice record de 50MDt et un taux de couverture en nette amélioration (70.4%).
Dans le cadre de son plan d’assainissement, BH démarre en 2015 une nouvelle politique de gestion du risque qui s’articule autour de trois axes : (1) le renforcement de l’effort de recouvrement (2) l’assainissement du portefeuille douteux par la cession d’une partie des créances douteuses à la société de recouvrement (3) une politique de gestion de nouveaux crédits plus ciblée, tenant compte d’une orientation sectorielle, d’un renforcement des garanties et du développement d’un système de notation et de scoring plus fiable.
L’impact sera directement visible sur les ratios réglementaires (un taux de créances classées de 12.6% et un taux de couverture de 90% à l’horizon 2019). L’injection de fonds permettra à la banque de se conformer aux exigences prudentielles de la BCT: un ratio Cooke supérieur à 10% en 2015, contre un taux de 4.70% en 2014.
De nouveaux paliers de rentabilité devraient être atteints avec une croissance moyenne des bénéfices de 24% par an et un ROE moyen de 19% sur la période... Sans compter un rendement en dividendes de 4% à partir de 2016.. Autant d’atouts pour séduire les investisseurs privés !
L’amélioration de la rentabilité émanant principalement de la banque, le groupe devrait enregistrer un trend de croissance légèrement inférieur de 23% par an pour atteindre, selon nos estimations, 154MDt en 2019.
• Comportement boursier et Opinion de Tunisie Valeurs :
Le plan de recapitalisation de la banque amorce sa deuxième étape, avec l’ouverture le 27 juillet des souscriptions à l’augmentation de capital de 110MDt. En parallèle, la banque lance sa phase de «relooking» commercial, organisationnel, managérial et social ...un chantier indispensable pour se positionner dans un paysage bancaire de plus en plus concurrentiel.
Si la banque restera «à capital public», le futur laisse entrevoir un business model «privé». Un atout de taille pour renforcer la crédibilité de la banque envers les institutionnels privés, les potentiels futurs partenaires techniques et stratégiques, et le marché financier en général.
Depuis le début de l’année, le titre a connu un important engouement sur le marché, affichant une performance record de 96% valorisant la banque à 362MDt. Aujourd’hui et en dépit de l’importante progression du cours, la banque affiche des niveaux de valorisation très attrayants, un P/E 2015e (post augmentation) de 6.7x et un P/B2015e (post augmentation) de 1.0x, la plaçant aux côtés des banques privées les moins chères du secteur.
Confiants par rapport aux fondamentaux de la banque, de la qualité de son management et compte tenu de la valorisation jugée attractive, Tunisie Valeurs recommande un positionnement à l’achat sur le titre BH.