Moody's : L'accord entre le gouvernement et l'UGTT est un pas vers un deal avec le FMI, mais les obstacles persistent

L'agence de noation Moody's est reveue sur  l'accord entre le gouvernement tunisien (Caa1 négatif) et l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), principale organisation syndicale du pays, sur une hausse des salaires dans le secteur public pour les trois prochaines années, une étape clé, selon l'agence, vers un nouveau programme d'appui financier avec le FMI. Un deal avec le fonds est crucial pour couvrir les besoins de financement élevés, estimés à 15-20 % du PIB par an jusqu'en 2025, compte tenu des conditions de financement intérieur et extérieur difficiles selon l'agence. 
 
Le gouvernement et l'UGTT se sont mis d'accord sur une augmentation annuelle pouvant aller jusqu'à 5%, qui sera effective à partir de 2023 , mettant en œuvre une modeste maîtrise de la masse salariale en termes réels selon les prévisions d'inflation à moyen terme établies par Moody's. Selon l'agence, le rôle du gouvernement en tant qu'employeur de dernier recours s'est traduit par des ajouts constants d'effectifs et de salaires dans le secteur public, la réduction de la très importante masse salariale de la fonction publique, qui s’élevait à 15,4% du PIB en 2021, est  politiquement difficile sans le soutien de l'UGTT, note Moody's.
 
De son coté, le FMI avait précédemment appelé à un large consensus impliquant les partenaires sociaux et d'autres parties prenantes, avec un engagement à soutenir les réformes. Les tensions sociales récurrentes de la dernière décennie sur fond de croissance et de création d'emplois faibles, outre une gouvernance affaiblie par le paysage politique fragmenté, ont réduit la capacité des gouvernements successifs à mettre en œuvre les réformes et remédier aux déséquilibres financiers.
 
Selon Moody's les tendances budgétaires ont été relativement favorables depuis le début de l'année, avec des données d'exécution préliminaires montrant un léger déficit équivalent à environ 0,3% du PIB, au premier semestre de l'année, grâce à la hausse des recettes et à la relative maîtrise de la masse salariale et des dépenses du secteur public. Cependant, Moody's s'attend à ce que le déficit budgétaire se creuse sur le reste de l'année, pour atteindre 8,6% du PIB sur l'ensemble de 2022, avec l'impact significatif de la forte augmentation des prix de l'énergie et des denrées alimentaires sur la facture des subventions.
 
Parallélement, Moody's prévoit un déficit du compte courant à près de 10% du PIB cette année, après avoir baissé à 5,9% du PIB en 2021. Les Données publiées par l'Institut National de la Statistique montrent que le déficit du commerce extérieur des biens s'est creusé de 61% en termes annuels au cours des huit premiers mois de cette année, atteignant 12% du PIB. Les réserves de change de la Tunisie, qui s'élevaient à 7,7 milliards de dollars en août, ont relativement résisté, avec des avoirs nets en devises couvrant 111 jours d'importations selon les données de la banque centrale, une dynamique défavorable de la balance des paiements pourrait toutefois rapidement faire pression sur le matelas de change en l'absence d'un accord rapide sur un nouveau programme avec le FMI, note le rapport de Moody's.
 
Après l'accord entre l'UGTT et le gouvernement, le FMI pourrait maintenant demander de nouveaux engagements sur d'autres domaines de réformes, y compris la restructuration des entreprises publiques déficitaires et la suppression progressive des subventions à la consommation au profit de transferts financiers plus ciblés, le degré de consensus parmi les parties prenantes et les groupes d'intérêts sociaux sur ces réformes reste à ce jour incertain, souligne l'agence de notation. 
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