Des mesures de la loi de finances 2016 incompatibles avec la lutte contre l'économie parallèle selon Anis Wahabi

Anis Wahabi, membre du conseil de l’ordre des experts comptable a fait le point sur ce qui a changé à partir du 1er janvier en application de la loi de finances 2016, ce matin au micro d’Express Fm.

L’expert a évoqué en premier lieu les dispositifs d'incitation pour la création de PME, avec une mesure déjà mise en œuvre en 2012 et reprise dans le cadre de la loi de finances 2016, à savoir l'exonération d'impôts pour 5 ans pour toute entreprise manufacturière dont le chiffre d'affaires ne dépasse par les 500 mille dinars annuellement. Cette mesure intégrera également cette année, les sociétés de services créées par des chômeurs avec un chiffre d'affaires ne dépassant pas les 300 mille dinars par an. Ce dernier point reste vague selon Wahabi, et pourrait ouvrir la voie à des subterfuges pour profiter de cette exonération.

Une autre mesure concerne la hausse de la prime d'investissement, qui peut atteindre désormais jusqu'à 15%, ce qui est de nature à encourager surtout les investisseurs institutionnels, indique l'expert comptable.

Anis Wahabi est par ailleurs revenu sur l'instauration de ce qu’il considère comme une amnistie, prévue par l'article 14, et qui concerne tout investissements dans le cadre des avantages fiscaux, en CEA ou en compte épargne investissements, où dans le cadre du code d'incitation aux investissements réalisés en 2016. Il s'agit bien d'une amnésie selon Anis Wahabi, dans la mesure où elle dispense l'investisseur de toute vérification sur la provenance des fonds investis, ce qui est en contradiction avec la lutte contre l'économie parallèle, cela permettra certes de ramener de l'argent dans le circuit formel, mais à quel prix, s'interroge l'expert.

La deuxième amnistie est plus durable et concerne l'allégement des pénalités de retards et de contrôles, après la modification de l'article 25 du code de la comptabilité publique, qui permet au contrevenant ou au retardataire de se voir accorder par le ministre des finances, une réduction voire une annulation des pénalités en fonction du délai du paiement du principal. Cette mesure existait auparavant, mais seulement de façon ponctuelle et sur intervention du premier ministre, précise Anis Wahabi.

La troisième amnistie, concerne les pénalités douanières réduite de 90% pour les montants inférieurs au million de dinars et de 95% pour les montants supérieurs au million de dinars après paiement du principal.

Ces mesures ramèneront de l'argent dans les caisses de l'Etat selon Anis Wahabi, même si aucune estimation n'est possible actuellement, mais elles ne régleront pas le problème de l'économie parallèle qui devra être confrontée d'une manière plus intelligente que la simple accumulation de lois d’une année à une autre. Anis Wahabi déplore en ce sens l'absence de mises au point sur les résultats des mesures prises chaque année, de manière à en évaluer l’efficacité.

Par ailleurs le régime forfaitaire demeure problématique, indique l'expert comptable. Souvent confondu avec le régime du forfait d'assiette, le régime forfaitaire concerne surtout les petits commerces, qui a un certain moment constituait près du tiers de la population fiscale (400 mille forfaitaires), mais ne contribuait qu'à hauteur de 0,18% aux recettes fiscales. Les nouvelles dispositions prévoient de mettre en place une période de trois ans de validité pour les patentes, renouvelables seulement à la présentation des justificatifs attestant que l'activité est toujours soumise aux conditions d'octroi du régime forfaitaire.

Anis Wahabi est ensuite revenu sur le report de l’exonération de la tranche de revenu de 5000 dinars à 2017, trois mois après son instauration par la loi de finances complémentaire 2015, un report qui soulèvent des interrogations, et que le ministère des finances justifie par le coût de cette exonération qui avoisine les 700 Millions de dinars. Enfin, l'instauration d'une TVA de 6% sur les médicaments, prélevée au détriment de la marge des pharmaciens est une mesure polémique selon Anis Wahabi, qui n'avait pas lieu d'être a-t-il indiqué.

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