Changer les billets de banque pour accompagner les réformes structurelles, la proposition d'Ahmed El Karam

L'ancien président de l'ATPBEF, Ahmed El Karam, est intervenu lundi sur les ondes d'Express FM, un entretien qui a surtout porté sur sa proposition de changement de billets de banque afin entre autres de lutter contre la contrebande et l'économie souterraine. C'est une mesure ponctuelle, a insisté El Karam, qui doit être accompagnée d'actions complémentaires, et qui ne remplace en aucun cas les réformes structurelles pour remettre sur pied l'économie tunisienne. Cette démarche doit rompre avec l'approche discriminante envers l'économie informelle, en faveur d'une vision qui offre aux opérateurs des avantages pour réintégrer le circuit officiel.
 
El Karam a insisté sur la distinction entre changer la monnaie et changer les billets de banques, c'est cette deuxième mesure que prône l'ancien président de l'ATPBEF.
 
Quatre raisons principales peuvent justifier cette action, la première étant le vieillissement des billets en circulation, une occasion pour la banque centrale d'introduire de nouveaux billets, en s'alignant sur les avancées technologiques en la matière, notamment pour rendre plus difficile les opérations de falsifications.
 
Le deuxième cas de figure est celui de la dévaluation de la monnaie, qui nécessite automatiquement un changement de billets de banques, El Karam citant l'exemple de la Colombie.
 
La troisième raison est liée à un changement politique comme celui qu'à connu la Tunisie. Le quatrième est celle qui concerne le plus la Tunisie, est d'injecter les fonds clandestins dans l'économie réelle.
 
Interrogé sur les antécédents dans le monde, notamment en Inde, El Karam a indiqué que les autorités indiennes avaient pris et exécuté la décision de manière précipitée et sans préavis, d'où les implications néfastes et les résultats peu concluants, ce qui n'est pas une raison pour éliminer totalement cette idée. Il ne s'agit pas d'une solution miracle, mais constitue un composant d'une stratégie globale, et qui est à même de créer un choc et symbolise également une manifestation de la présence de l'Etat.
 
El Karam a rappelé qu'il avait, en 2012, réclamé l'annulation des billets de 50 dinars, pour obliger les détenteurs de fonds provenant d'activités informelles à remettre les montants dans le système bancaire, et aurait permis vraisemblablement d'identifier les acteurs majeurs de l'économie informelle.
 
El Karam a indiqué que des incitations existent pour encourager le retour des capitaux dans le système bancaire, la BCT pourrait à titre d'exemple encourager l'achat de bon du trésors contre des exonérations fiscales...
 
La quantité de cash en circulation en Tunisie est passée de 5 à 17 milliards de dinars entre 2010 et 2021, a fait savoir El Karam. Cette situation s'explique par l'érosion de la confiance d'une partie des opérateurs économiques vis à vis du circuit officiel et du pouvoir politique, selon lui. Il a rappelé que 40% des tunisiens ne disposent pas de comptes bancaires. Les banques peuvent aider, à absorber une grande quantité des cash, à travers des mesures sur le plan de la digitalisation par exemple, en offrant des tarifs attractifs, voir la gratuité sur les paiements mobiles par exemple.
 
Les solutions pour booster la digitalisation existent selon El Karam, mais un manque de volonté et l'absence d'une politique claire entravent leur développement en Tunisie. Il s'agit pour Ahmed El Karam d'imposer des "réformes de rupture" qui poussent les gens à adopter des solutions technologiques qui remplacent les moyens de paiement traditionnels. Il ne faut pas craindre la réaction populaire a-t-il ajouté. Les tunisiens sont pour la plupart disposés à suivre l'évolution technologique, si les conditions propices sont mises à leur disposition.
 
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