Ladhari : L’administration souffre d’un manque de leadership et sa digitalisation est la mère de toutes les réformes

Le siège de l'IACE a accueilli le 28 mars 2019, un déjeuner-débat, organisé à l'initiative des Alumni IHEC Carthage et consacré à la relance des investissements en Tunisie, et ce en présence du ministre du développement et de la coopération internationale, Zied Laadhari.

L'événement, ouvert par Khaled Fourati, président de l’association, avait pour objectif de répondre à la problématique de l'investissement, et les actions à entreprendre pour le booster. L’expert-comptable Wassim Turki a fait une présentation introductive, et a mis en exergue un bilan pour le moins mitigé de la politique nationale d’investissement malgré plusieurs actions allant du livre blanc adopté en 2011, à la conférence Tunisia 2020, en passant par l'adoption de la loi 2016-71, le lancement du conseil supérieur de l’investissement, la note d'orientation pour le modèle économique 2016-2020 et la mise en place de la Tunisian Investment Authority (TIA). Les 8 places gagnées au niveau du classement “Doing Business restent insuffisantes pour affronter la concurrence de pays à économies comparables.

Ensuite, Ziad Laadhari a pris la parole pour présenter la vision de son département pour promouvoir les investissements en Tunisie. Le ministre a entamé son intervention par un rappel des principales réformes et de l'évolution de la conjoncture économique, marquée, selon ses dires, par « une amélioration tirée par les investissements », avec des IDE qui enregistrent “une hausse à deux chiffres, compte non tenu de l'effet de change, atteignant en 2018 leur croissance la plus élevée depuis 2014”. Les intentions des investissements effectuées auprès de l'APII « s'affichent également en hausse ». Toutefois, ces résultats restent en deçà des attentes. La part de l’investissement dans le PIB demeure sous les 20% pour « un objectif initial de 25% ». Ziad Laadhari a énuméré, par la suite, les différents facteurs à même de favoriser ou dissuader les investissements, mettant l'accent sur l'environnement juridique et l'objectif d'amélioration du climat des affaires. Il a rappelé, à cet égard, des mesures comme l’instauration de la liste négative des investissements et la réduction de 20% du nombre d'autorisations (décret 97), qu'il considère comme « un changement fondamental ». Le ministre a aussi évoqué les classements internationaux, agissant sur la perception des investisseurs étrangers lors de leur prise de décision en matière de création de projets. Ladhari a souligné, à ce propos, que son ministère travaille sur une cinquantaine de mesures, à même d’améliorer le classement de la Tunisie dans le « Doing Business ».  Résultat, la Tunisie a pu gagner quelques places pour la première fois depuis 2012, après des actions entreprises sur six indicateurs clés. L’objectif du gouvernement à terme est de poursuivre ces réformes en vue d’intégrer le top 50 mondial et le top 3 sur la région MENA et en Afrique. Fin avril, un nouveau plan d'action sera prêt dans ce sens, a indiqué le ministre. C'est dans ce cadre que figure la loi transversale pour la promotion de l'investissement et l'amélioration du climat des affaires. Pour Ladhari, la réforme de l’administration est « la mère de toutes les réformes ». Les principaux axes de la nouvelle loi, soumise à la discussion des députés à l’ARP, seront de cibler les blocages administratifs, exacerbés par la multiplicité des lois et « l'encombrement qui en découle pour les faire passer au niveau du parlement ». Le ministère aspire, par conséquent, à regrouper une trentaine de mesures transversales dans un seul texte dans une démarche participative incluant les professionnels tels que les avocats, les experts comptables, etc.

Parmi les dispositions proposées par le projet de la loi transversale figurent l'ouverture du financement du secteur agricole aux personnes morales, notamment les SICAR, l'introduction de mécanismes comme les fonds de fonds, la simplification des procédures pour les projets en PPP, la digitalisation du processus d'investissement, le déplafonnement du pourcentage de détention du capital des universités privées par des étrangers (actuellement limité à 35%), etc. Au niveau de la digitalisation de l’administration, Zied Ladhari a souligné que la Tunisie a obtenu deux dons record de 40 millions d’€ de la part de l’Allemagne et de 200 millions $ de la part des Etats-Unis, afin d’intégrer les différents systèmes d’information des différentes administrations tunisiennes dans un objectif de facilitation des démarches des investisseurs, tant tunisiens qu’étrangers, et des citoyens tunisiens, plus généralement. Il a réitéré le caractère « transformateur » de ce projet de digitalisation pour l’économie du pays.

Interrogé sur l'état d'avancement du plan quinquennal de développement (2016-2020), Ziad Laadhari a évoqué des niveaux différents selon les gouvernorats, mais un taux global de l’ordre de 40% selon ses estimations.  

Les interventions ont, pour la plupart, émané d'experts comptables qui ont surtout soulevé la question de la réglementation de change, qui dans certains aspects, constitue un véritable frein pour l'investissement, un constat confirmé par le ministre qui y voit beaucoup d’aberrations. Toutefois, il a ajouté, que la question reste principalement du ressort de la Banque Centrale et qu’elle ne pourrait, de ce fait, figurer parmi les dispositions de la nouvelle loi transversale.  

Ziad Laadhari a longuement déploré le fonctionnement du secteur public, confronté à un véritable problème de « leadership », avec des institutions souvent incapables de sanctionner de façon effective les agissements abusifs ou les manquements graves, tout comme elle n'offre pas de récompenses aux personnes méritantes. Il a affirmé que « La Tunisie est passée d'une révolution contre l'autoritarisme à une révolution contre l'autorité », d'autant plus que l’administration fonctionne "sans mémoire", ce qui complique la continuité et le suivi pour les responsables successifs.    

 

 

 

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