Rétrospective boursière 2002…

Placée dans un contexte économique très difficile, l’année 2002 a été un très mauvais cru sur le plan boursier. Les performances sur le compartiment actions ont été décevantes tout comme il y a eu un certain nombre de mauvaises surprises de la part des sociétés faisant appel public à l’épargne.

Pour décrire la morosité de l’année boursière 2002, il faut surtout signaler le net recul du volume des transactions qui s’est inscrit en baisse de 32,6% à 343 MDT en dépit d’un mois de décembre qui a connu des applications de grande taille. La Cote a connu plusieurs séances anémiques ne dépassant pas les 0,2 Million de Dinars provoquant pour l’ensemble de l’année une forte détérioration du ratio de liquidité du marché (33%). Cette situation s’explique par le glissement continu des cours qui provoquait un tarissement de l’offre et en même temps une contraction de la demande. Comme par le passé, cette année a démontré qu’un marché baissier provoquait une baisse significative des échanges. La baisse du marché au cours de l’année 2002, telle que mesurée par le TUNINDEX, a été de -11,66%  qui survient après une baisse de  -12,18% en 2001. Sur deux années, les pertes du marché s’élèvent à -22,42%. La capitalisation boursière a reculé de –13,5% d’une année à l’autre passant de 3276 MDT à 2833,9 MDT.

Au niveau de l’actualité des sociétés faisant appel public à l’épargne, l’année 2002 a été émaillée par des incidents qui ont porté un préjudice à la perception globale de la bourse et ont entamé la confiance des investisseurs.

Il y a eu tout d’abord l’affaire BTEI. Cette banque après avoir publié des résultats provisoires de 7,7 MDT en Février 2002 va se rétracter au mois de Juin pour ne retenir qu’un bénéfice de 37 mille dinars. Cet ajustement de résultat qui intervient suite à une décision de redéploiement stratégique en banque universelle a interpellé plus d’un investisseur sur la pertinence des états financiers provisoires. Elle suscite également des interrogations sur la politique de provisions des banques d’une manière générale qui reste floue, aléatoire et sujette à de fréquents changements. La conséquence de cet ajustement de résultats a été la décision de ne pas payer les dividendes prioritaires attachés aux ADP. Celles-ci vont perdre leur statut de valeurs à rendement assuré et décevoir les détenteurs qui ont misé sur cette catégorie d’actions. Il ne s’agit pas de la première déconvenue sur les ADP puisque celles de Palm Beach Hôtels se sont retrouvées, depuis 1999, dans l’incapacité d’honorer les distributions de dividendes.

Il y a eu ensuite l’affaire BATAM. Cette société qui a connu des difficultés financières depuis la fin de l’année 2001, avait mis en place un plan de restructuration financière. Celui-ci comportait une augmentation de capital réalisée au cours du 1er semestre 2002 et un emprunt obligataire au cours du 3ème trimestre 2002. Si la première opération a plus ou moins réussi, la deuxième n’a pas pu se faire en raison d’une désaffection quasi totale des investisseurs.  C’est pourquoi la société a dû être placée sous mandat judiciaire qui devrait statuer dans quelques mois sur un plan de redressement. Dans l’intervalle, la note de la société a été dégradée 2 fois et son cours en dépit de deux suspensions s’est effondré de plus de 70% en novembre. Actuellement, le marché s’inquiète des risques de défaut des obligations en circulation et a pris conscience du vrai risque des obligations et des conséquences que cela pouvait avoir sur l’ensemble des composantes du marché obligataire (SICAV, émetteurs, …). Dans cette affaire, le grand perdant aura été l’information financière qui n’a pas été en mesure de refléter correctement les risques d’un groupe de grande taille dont les comptes ne sont toujours pas consolidés et qui rappelons le a distribué des dividendes quelques semaines avant sa mise sous mandat judiciaire.

La privatisation de l’UIB par la cession des participations des sociétés étatiques si elle a rencontré un grand succès pour l’État cédant, elle a été en revanche très décevante pour les petits porteurs. En effet, ces derniers n’ont pas pu bénéficier de la garantie des cours consécutive à une prise de contrôle majoritaire et n’ont pas pu céder leurs actions aux mêmes conditions que les principaux cédants. Se prévalant de son droit à la dérogation aux principes conformément à loi 94 et compte tenu de la volonté des pouvoirs publics de plafonner la participation étrangère aux 52% mis en vente, le CMF a octroyé au repreneur une dérogation à la règle de garantie des cours régissant les prises de contrôles majoritaires. Bien qu’au vu de la loi, l’opération s’est faite normalement, c’est au regard du principe général d’égalité entre les actionnaires que cette opération pose problème. Les actionnaires minoritaires n’ont pas bénéficié des mêmes conditions de sortie que les actionnaires vendeurs et donc leurs intérêts dans cette opération n’ont pas été sauvegardés.

La dernière opération qui mérite d’être signalée est la suspension de la valeur liquidative de la SICAV BH PLACEMENT. Cette suspension n’a pas fait l’objet d’un compte rendu mais serait due à des irrégularités comptables qui ont eu pour effet d’accroître artificiellement la valeur liquidative de la SICAV. Encore une fois, l’information financière n’a pas été en conformité avec les règles comptables et a donné une image peu fidèle de la situation réelle de la société. Le préjudice surtout moral subi par les actionnaires de cette SICAV dont les fonds ont été bloqués risque d’être non négligeable et de véhiculer une image peu reluisante des OPCVM. Le renforcement des règles de calcul des portefeuilles des OPCVM avec une approche plus courageuse et dynamique d’évaluation à des prix réels de marché, aussi bien des actions que des obligations, semble être plus que jamais une urgence pour l’industrie des organismes de placement.

L’année boursière 2002 a été également marquée par quelques opérations de grande envergure telle que la restructuration du groupe SFBT qui a, conformément à l’article 466 de la loi 2001-117, procédé au dénouement de ses participations croisées. Cette opération a vu la société mère racheter ses propres titres détenus par la SPDIT ainsi que par d’autres filiales en vue de les annuler ultérieurement et vise donc à créer de la valeur pour les actionnaires. La SFBT qui demeure le titre phare du marché, tant en termes de capitalisation que de liquidité, consolide son périmètre entre ses actionnaires d’origine tout en donnant aux minoritaires la possibilité de préserver leurs participations dans le groupe. L’intérêt accordé à la question des minoritaires mérite d’être souligné et traduit le souci du groupe SFBT d’avoir une politique actionnariale équitable et attractive. 

Au niveau du marché primaire, deux  introductions via OPV ont eu lieu : STIP (janvier 2002, 382,529 titres) et SOMOCER (décembre 2002, 336,000 titres) ouvrant leur capital respectivement à hauteur de 10% et 12% et venant consolider la diversité sectorielle de la cote. D’un autre côté, la bourse a enregistré le retrait de deux sociétés : la BTQI suite à une OPA lancée par l’ETAP en février et LE MOTEUR après que IDM du groupe Mabrouk ait finalisé une OPR fortement attendue après la prise de contrôle intervenue deux années auparavant.

Côté émissions actions, deux sociétés seulement sont venues lever des fonds propres frais sur le marché pour une enveloppe minuscule de 8 MDT  contre 7 sociétés en 2001pour un total de 113 MDT. A l’opposé de cette faiblesse inquiétante sur le compartiment actions, les émissions obligataires se sont maintenues à un niveau appréciable s’élevant à 267 MDT contre 297 MDT en 2001. Pour la deuxième année consécutive, le secteur bancaire a été très actif sur le marché obligataire pour accaparer prés du 1/3 du marché.

Sur le marché monétaire, l’instauration par la banque centrale de nouveaux outils de pilotage pour maîtriser l’offre de la monnaie a permis une certaine détente sur les taux courts. Par ailleurs, le recours renouvelé de l’Etat Tunisien à l’endettement extérieur pour équilibrer les finances publiques a atténué le coût de l’endettement total et la pression sur les taux longs locaux. Les émissions de BTA ont totalisé 754 MDT contre 630 MDT en 2001 voyant le rendement de certaines catégories baisser significativement. Une nouvelle catégorie de bons de trésor de longue maturité (12 ans) a été lancée avec succès formant un gisement annuel de 338,8 MDT.  Prés de 45% des BTA émis reviennent à cette nouvelle souche contre  24% pour le BTA 4 ans qui voyait son rendement actuariel chuter de 7,45% à moins de 7% en fin d’année et subir la concurrence des autres titres souverains de moyen terme. Pour les maturités courtes, près de 1685 MDT sont levés sur les BTCT contre 1880 MDT en 2001. L’allongement de  la courbe des taux sur le marché primaire et le nivellement des taux courts à des niveaux plus bas ont compensé la préférence des investisseurs pour la liquidé et permis une meilleure rationalisation de l’endettement public.

Si l’année 2002 a été globalement très décevante sur plusieurs plans, il faut tout de même reconnaître que des améliorations qualitatives substantielles ont été notées surtout au niveau de l’enrichissement des informations contenues dans les prospectus d’émission des sociétés faisant appel public à l’épargne, de l’amélioration de l’information par les sociétés cotées sur des événements importants, d’une plus grande disponibilité d’informations financières assez exhaustives sur les sociétés cotées et d’informations économiques émanant des autorités monétaires et économiques. Enfin, il faut souligner l’imminence de certains projets de développement tels que le lancement d’un fonds d’investissement à long terme et la promulgation de la loi sur la pension livrée, qui devraient relancer progressivement l’activité et les performances des différents marchés de capitaux.

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